L'Europe a laissé derrière elle le plus dur de la crise économique mais elle doit se préparer à une décennie de croissance faible ainsi qu'à la rigueur budgétaire à partir de 2011, a prévenu mardi le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.

«Aujourd'hui, je constate que la situation est largement stabilisée», a déclaré le chef de file luxembourgeois des ministres des Finances de la zone euro.

Son constat, effectué lors d'une audition devant le Parlement européen à Bruxelles, a été confirmé par la publication de statistiques économiques encourageantes le même jour de la Commission européenne.

L'indice de confiance des chefs d'entreprise et des consommateurs de la zone euro s'est redressé en septembre pour le sixième mois consécutif, même s'il l'a fait à un rythme plus lent qu'auparavant, grimpant à 82,8 points en septembre contre 80,8 points en août.

Selon cette enquête, le moral des ménages notamment s'améliore et le secteur financier retrouve des couleurs, ainsi que l'illustrent les profits de nouveau importants des banques.

Toutefois, M. Juncker, qui préside le forum des ministres des Finances de la zone euro, l'Eurogroupe, a mis en garde pour la suite.

«Le plus fort de la hausse du chômage est encore devant nous», a-t-il d'abord prévenu.

Plus généralement, la «situation reste fragile et friable» et la reprise économique s'annonce «timide et timorée» en Europe, avec une longue période à venir de croissance faible, a-t-il ajouté.

La croissance potentielle de la zone euro, c'est à dire le maximum possible sans générer de l'inflation excessive, «va se tasser sérieusement», a mis en garde le Luxembourgeois.

«Déjà, nous avions un potentiel de croissance peu élevé avant la crise, de l'ordre de 2,5% (par an), et il semble que la croissance potentielle gravitera autour de 1,5% (par an) entre 2010 et 2020», a-t-il précisé.

Et la zone euro doit compter en plus avec un euro plutôt fort par rapport au dollar, ce qui pénalise ses exportations.

À ce sujet, M. Juncker a implicitement pointé du doigt l'administration du président Barack Obama, soupçonnée de laisser filer le billet vert depuis des mois pour soutenir les exportations américaines.

«J'aimerais entendre à nouveau dans les prochains jours» de la part de Washington que les États-unis veulent «un dollar fort», a-t-il dit.

Le président de l'Eurogroupe a prévenu que la faible croissance à attendre entraînerait pour les gouvernements européens des «marges de manoeuvre budgétaires amoindries», dans un contexte où les déficits publics, gonflés par la crise, vont devoir être sérieusement réduits.

Dans l'immédiat, «je crois que le moment d'appliquer» une politique budgétaire plus rigoureuse «n'est pas arrivé», a-t-il toutefois expliqué.

En France comme en Allemagne, le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel ont déjà clairement fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention de pratiquer à ce stade la rigueur budgétaire, malgré l'envolée de leurs déficits.

Mais «je crois que c'est à partir de 2011 que nous pouvons entamer les stratégies de sortie» des plans de relance, avec des politiques de coupes dans les dépenses, a ajouté M. Juncker. Et «nous ne pourrons pas nous contenter de faire des petits pas», a-t-il prévenu.