L'Europe a décidé mardi de fermer ses marchés aux peaux de phoques pour protester contre une chasse jugée «répugnante», à la veille d'un sommet avec le Canada, premier exportateur au monde, qui a menacé de porter plainte devant l'OMC.

L'embargo entrera en vigueur pour la prochaine campagne de chasse, en 2010. Il a été salué par le commissaire européen à l'Environnement Stavros Dimas, initiateur de cette proposition justifiée, selon lui, par des «pratiques répugnantes» et «cruelles». L'interdiction d'importer et de vendre dans l'UE des peaux et autres produits dérivés des phoques chassés commercialement a été approuvée lors d'un vote au Parlement européen. Il l'a été par 550 députés contre 49, qui ont ainsi validé un accord déjà conclu entre les États membres de l'Union européenne.

«C'est une victoire sur la barbarie», s'est félicité la Fondation Brigitte Bardot de défense des animaux. L'ancienne star du cinéma s'est déclarée «très émue» par cette décision, «aboutissement d'un combat épuisant mené sans relâche depuis 30 ans».

Les défenseurs des phoques sont restés mobilisés jusqu'au dernier instant. Un bébé phoque géant avait été gonflé dès lundi devant l'entrée du Parlement européen par les militants du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).

Et un écran diffusait des images de chasseurs glissant sur la banquise à la poursuite de jeunes phoques assommés d'un coup de massue et éventrés encore vivants.

Le fait que l'embargo européen ait été approuvé juste avant un sommet entre l'UE et le Canada à Prague est un hasard du calendrier, dû aux énormes pressions exercées par les autorités canadiennes et par certains pays européens pour modifier un texte déjà dans les tuyaux depuis plusieurs mois.

Il reste que le vote risque d'assombrir la réunion de Prague, censée être dominée par les sujets commerciaux.

L'Europe autorise seulement désormais la vente «à des fins non lucratives» des produits provenant de la chasse traditionnelle pratiquée par les communautés inuits.

À la demande de la Suède, de la Finlande et du Royaume-Uni, le texte permet également de vendre localement les peaux et les produits des phoques abattus pour réguler les colonies afin d'assurer une gestion durable des poissons.

Les pays de l'UE peuvent en outre autoriser le transit par leur territoire des produits du phoque exportés par le Canada vers la Russie.

Le Canada, le Groenland et la Namibie tuent 60% des 900 000 phoques abattus chaque année. Les autres pays de chasse sont la Norvège, l'Islande, la Russie et les États-Unis.

La fermeture des marchés de l'UE s'ajoute à des embargos déjà décrétés par les États-Unis et le Mexique, deux des principaux partenaires commerciaux du Canada.

La mesure concerne les peaux utilisées pour fabriquer sacs, chapeaux et gants, les viandes, l'huile, les organes et les graisses, ainsi que les produits pharmaceutiques présentés comme suppléments d'acide gras oméga 3.

«Elle aura un impact économique, mais elle ne devrait pas avoir de conséquences sur les relations entre l'UE et le Canada», a estimé l'eurodéputé socialiste britannique Arlène McCarty, présidente de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen.

«Les relations économiques entre le Canada et l'UE représentent 25 milliards d'euros et le commerce des produits dérivés des phoques seulement 4,2 millions d'euros», a-t-elle souligné.

Le Canada et la Norvège avaient par avance annoncé leur intention de porter plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

 

Les  Inuits canadiens réclament une plainte devant l'OMC

 

 L'organisation nationale des Inuits du Canada, se déclarant «atterrée» par la décision de l'Union européenne de fermer ses marchés aux produits du phoque, a appelé mardi Ottawa à porter plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

«Le Canada n'a d'autre choix que de réagir très fermement», a souligné Mary Simon, présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami, principale organisation inuite canadienne.

Elle a appelé le premier ministre Stephen Harper à tenir son engagement de porter l'affaire devant l'OMC, maintenant que le parlement européen a voté.

«Les Inuits sont atterrés par le vote d'aujourd'hui», a déclaré Mme Simon dans un communiqué.