Les chefs d'État du G20 réunis à Londres se disaient confiants hier d'en arriver à une entente ambitieuse pour endiguer la crise économique et éviter sa répétition. Mais le processus ne se déroulait visiblement pas sans heurts.

Quelques piques ont été diplomatiquement échangées par médias interposés durant la journée, ponctuée par une série de rencontres bilatérales ainsi qu'un premier dîner de travail en groupe.

 

À l'issue d'une rencontre en matinée avec le premier ministre anglais Gordon Brown, le président américain Barack Obama a déclaré que son pays fera «tout ce qu'il faudra» pour remettre l'économie mondiale sur les rails.

Il a précisé à la même occasion que les participants au sommet - qui travailleront à huis clos aujourd'hui dans un centre de conférence sous haute surveillance - devraient se concentrer sur leurs «points communs» plutôt que sur des «divergences épisodiques».

Bien qu'il ne l'ait pas nommé, son intervention semblait cibler le président français Nicolas Sarkozy, qui menace de quitter aujourd'hui la rencontre sans signer le communiqué final s'il ne contient pas des mesures concrètes pour mieux réguler le système financier.

«L'échec nous est interdit, le monde ne le comprendrait pas, l'histoire ne nous le pardonnerait pas», a-t-il prévenu dans une lettre ouverte publiée en matinée dans plusieurs grands quotidiens internationaux.

Plusieurs commentateurs anglais ont accueilli avec scepticisme les menaces du fougueux politicien, les écartant comme une tentative de dramatisation destinée à faire forte impression sur la population française plutôt que sur ses homologues.

Lors d'une conférence de presse tenue dans un hôtel londonien en après-midi, M. Sarkozy a assuré qu'il ne s'agissait pas d'une question de «caprice» ou «d'ego» mais d'une manière de sensibiliser les membres du G20 à l'importance du moment. «Sans nouvelle régulation (des marchés financiers), il n'y aura pas de confiance et sans confiance, il n'y aura pas de relance», a déclaré le chef d'État, qui accuse l'administration américaine de se traîner les pieds sur le sujet.

La chancelière allemande Angela Merkel, qui avait convoqué la conférence de presse avec son homologue français, a déclaré qu'il fallait sortir du «désastre» sans pour autant oublier de remédier aux causes de la crise.

Les interventions des deux dirigeants européens ont encore une fois mis en relief leur divergence de priorité avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui souhaitent d'abord et avant tout obtenir que les pays du G20 bonifient leur plan de relance pour stimuler l'économie.

Ils sont appuyés par le premier ministre canadien Stephen Harper, qui entend profiter du sommet pour pousser les autres États en ce sens, même si plusieurs s'inquiètent de générer des déficits démesurés.

«L'importance de la récession mondiale fait en sorte qu'il est plus dangereux de ne pas réagir suffisamment que de trop en faire», a indiqué M. Harper dans une entrevue accordée à Londres à la chaîne américaine CNN.

Le Canada a déjà annoncé un plan de relance de 40 milliards de dollars, qui représente un effort excédant le seuil de 2% du PIB suggéré par le Fonds monétaire international (FMI). M. Harper a assuré, dans le même entretien, que les divergences d'opinions entre les dirigeants du G20 étaient moindres que ce que suggèrent les médias, faisant écho aux propos rassurants de Barack Obama.

La BBC rapportait hier soir que les divergences existantes ne portaient plus essentiellement que sur des détails.

Les chefs d'État s'entendent, par exemple, sur la nécessité de mettre la pression sur les paradis fiscaux pour les pousser à réviser leurs politiques en matière bancaire, mais pas nécessairement sur la manière la plus appropriée pour y parvenir. La France et l'Allemagne souhaitent notamment qu'une liste des territoires les moins coopératifs soit diffusée rapidement, peut-être même dès demain.

Ils réclament aussi des mesures visant à mieux encadrer les fonds spéculatifs (hedge funds), les agences de notation et la rémunération des courtiers.

Les participants au G20 discutent aussi de la majoration des fonds du FMI, qui pourraient être doublés, voire triplés si les États-Unis obtiennent le dernier mot à ce sujet.

Les dirigeants des grandes économies de la planète, quoi qu'ils conviennent, auront fort à faire pour surmonter le scepticisme de la population quant à leur capacité à contrer la crise.

«Je pense qu'ils ne vont rien changer», a commenté hier une vendeuse de journaux qui écoulait des exemplaires d'un quotidien saluant l'arrivée de «Mister Prez» Obama, non loin du site où ont convergé des milliers de manifestants anti-G20.

Maverick, un autre résidant de la capitale anglaise, se disait curieux de savoir ce que le président américain sera capable d'obtenir. «On sait qu'il peut parler. Voyons s'il peut livrer», a-t-il déclaré.