Bien qu'il ait marqué les esprits la semaine dernière en limitant les salaires des dirigeants des banques bénéficiant d'une aide publique, le président américain Barack Obama aura fort à faire pour remporter la palme de l'interventionnisme face à son homologue français.

Nicolas Sarkozy ne cesse d'élargir le champ d'action de l'État en matière économique, menaçant de légiférer dans des domaines qui auraient été considérés intouchables avant la crise.

 

Le leader français a donné un nouvel échantillon de ses ambitions la semaine dernière en sommant patrons et syndicats de revoir comment les profits des entreprises cotées en Bourse sont distribués entre actionnaires et employés.

«Soit ils arrivent à quelque chose, soit l'État prendra ses responsabilités», a prévenu M. Sarkozy lors d'une longue intervention télévisée au cours de laquelle il cherchait à rassurer la population française sur son action face à la crise.

L'homme fort français se dit favorable à ce qu'il appelle «la règle des trois tiers» voulant qu'un tiers des bénéfices après impôts soit versé aux actionnaires, un autre tiers en primes aux salariés et un troisième pour l'investissement.

«Pour l'instant, le compte n'y est pas», a-t-il prévenu. Une allusion au fait que les entreprises françaises réservent plus de la moitié de leurs bénéfices à l'investissement, un tiers aux dividendes et une somme inférieure à 10% aux employés.

Bon accueil des syndicats

L'intervention du président est défendue par l'avionneur Serge Dassault, qui n'a rien d'un idéologue de gauche. «Sur le plan psychologique, c'est formidable. Sur le plan social aussi. S'il y a égalité entre les actionnaires et le personnel, la distribution des bénéfices n'est plus contestée», a-t-il déclaré au Journal du dimanche.

L'idée sourit aux syndicats mais est mal accueillie par la principale association patronale du pays, le MEDEF, qui s'oppose à ce que l'État s'immisce dans ce domaine.

La question de la distribution des bénéfices s'est posée récemment relativement au secteur automobile, pour lequel le gouvernement français a annoncé hier un nouveau plan d'aide de 6 milliards d'euros.

Les deux grands constructeurs français, Renault et Peugeot, qui ont mis des milliers d'employés en chômage technique pour compenser la chute draconienne des ventes enregistrées en fin d'année, avaient été critiqués pour leur volonté de verser des dividendes conséquents pour 2008. Ils ont finalement décidé de verser des dividendes modérés tout en s'engageant à ne pas fermer d'usines en sol français.

Nicolas Sarkozy souhaite, dans le même ordre d'idée, que soient revus les salaires dans le secteur bancaire. Il pousse là encore un cran plus loin que Barack Obama en réclamant une révision en profondeur du mode de rémunération des «traders».

Un «code éthique» élaboré conjointement par les grandes entreprises du secteur, l'Autorité des marchés financiers et des représentants du gouvernement doit être soumis sous peu à la ministre des Finances, Christine Lagarde. Il aurait notamment pour effet d'empêcher le versement de primes garanties aux courtiers de manière à les rendre plus responsables face à l'évolution à moyen et long terme de leur entreprise.

Les déclarations à saveur interventionniste du président français surviennent alors qu'il est sous forte pression des principaux syndicats du pays. Leurs dirigeants menacent d'organiser une nouvelle journée de grève si des mesures susceptibles de relancer le pouvoir d'achat de la population ne sont pas adoptées rapidement.

L'interventionnisme de M. Sarkozy ne passe pas inaperçu aux États-Unis, où les médias s'amusent à relever le retour en grâce d'une force d'économie mixte s'apparentant de plus en plus à celles que l'on retrouve en Europe.

La France devient un point de référence pour l'administration américaine dans le contexte, relève l'hebdomadaire Newsweek, qui ironise sur le fait que les Américains «sont désormais tous socialistes».