La zone euro est durement secouée par la crise mondiale, qui pousse les pays membres à multiplier les plans d'urgence. Si secouée, en fait, que certains analystes vont jusqu'à évoquer son possible «éclatement».

Bien que les craintes à ce sujet semblent résolument alarmistes, elles ont été jugées suffisamment sérieuses par les ténors de l'Union européenne pour entraîner une série de démentis.Il y a 10 jours, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a déclaré que ces craintes étaient totalement «infondées», l'euro ayant, selon lui, démontré sa «capacité de résistance» dans la tempête. Le commissaire européen aux affaires économiques, Joaquin Almunia, a déclaré pour sa part qu'il «ne croyait pas» à un tel scénario.

Au Forum de Davos, le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, s'est lancé à son tour dans la mêlée il y a quelques jours en relevant que l'euro avait agi comme un «puissant bouclier» durant la crise.

Il a comparé, pour illustrer ses propos, la situation de l'Irlande et de l'Islande, qui n'est pas membre de l'Union européenne. Le premier pays, a indiqué M. Barroso, a été beaucoup moins affecté que le second du fait qu'il disposait d'une «devise respectée».

Les pronostics d'éclatement sont alimentés par le fait que la crise accentue les disparités économiques entre les pays membres, compliquant la définition d'une politique économique susceptible de plaire à tous les États.

Le quotidien Le Figaro relève avec une pointe d'ironie dans une récente analyse que «l'Euroland est une terre de contrastes», le taux de chômage passant de 4% aux Pays-Bas à plus de 15% en Espagne alors que les déficits publics varient de 2,9% du PIB en Allemagne à 11% en Irlande.

«Comment des acteurs aussi différents peuvent-ils vivre avec la même politique monétaire et le même taux de change?» demande le journal.

Le pour et le contre

L'économiste Karel Lannoo, responsable du Centre d'études pour les politiques européennes de Bruxelles, ne croit pas à la possibilité d'un éclatement de la zone euro. Il n'exclut pas cependant que certains pays limitrophes, comme la Grèce, choisissent de s'en retirer ultimement pour gagner en autonomie.

«Chaque État doit peser les pour et les contre de sa participation. Ce qui est certain, c'est que ceux qui décident de partir ne pourront pas revenir... Globalement, je pense que les avantages sont plus importants», souligne l'analyste.

Les pays membres, indique M. Lannoo, sont à l'abri d'une soudaine et violente fluctuation de leur devise, ce qui leur assure une certaine stabilité. Mais ils ne peuvent miser sur une dévaluation voulue pour relancer à court terme leurs exportations comme tente de le faire actuellement la Grande-Bretagne.

La situation est compliquée par le fait que la crise économique a entraîné une révision à la baisse de la cote de plusieurs pays européens, en particulier au sud et à l'est, faisant augmenter le coût de leurs emprunts à long terme par rapport à d'autres pays membres.

Certains États, comme la France, préconisent la création d'une agence européenne qui serait chargée d'émettre des emprunts d'État, de manière à harmoniser le coût du crédit à l'échelle du continent tout en mutualisant les risques.

L'approche risque de se heurter au manque de «solidarité» des pays membres, souligne M. Lannoo, qui relève le manque de cohésion affiché pour le sauvetage des banques.

Attirance

Les inquiétudes relatives à un possible éclatement de la zone euro surviennent alors même que plusieurs petits pays, attirés par l'effet de bouclier évoqué par M. Barroso, cherchent à y entrer.

Les Danois, qui avaient rejeté en 2000 par référendum l'idée d'utiliser l'euro, pourraient être appelés à se prononcer de nouveau à ce sujet avant 2011.

L'Islande, qui vient de se doter d'un nouveau gouvernement en raison des turbulences causées par la crise financière, pourrait aussi demander à devenir membre de l'Union européenne pour pouvoir utiliser l'euro.

L'Irlande, qui avait mis le holà à la refonte des institutions décisionnelles européennes l'année dernière en rejetant par référendum le traité de Lisbonne, se montre aujourd'hui beaucoup plus conciliante. Un nouveau référendum devrait se tenir à ce sujet avant la fin de 2009.