Quand le bâtiment va... les économistes réécrivent leurs prévisions. Le sursaut d'activité sur les chantiers oblige en effet les experts de Desjardins à tailler leurs crayons.

L'institution financière s'attend désormais à 49 000 mises en chantier en 2018 dans l'ensemble de la province et n'exclut pas que le chiffre définitif soit encore plus élevé.

« On voyait les statistiques s'accumuler de mois en mois depuis le début de l'année, dit Hélène Bégin, économiste chez Desjardins, dans un entretien. On se disait : "Ça va se calmer." Mais le locatif conventionnel est très fort. Le condo est très fort. Ça ne semble pas vouloir dérougir. On n'a pas le choix de réviser à la hausse. Ça se pourrait aussi que ça soit plus fort que ça. »

Si la prévision de 49 000 unités se réalise, le Québec connaîtra sa meilleure année depuis 2010, quand 51 363 logements ont été construits.

« Plusieurs jeunes ménages, qui ont du mal à accéder à la propriété en raison des prix élevés et des conditions d'emprunt moins favorables qu'auparavant, optent pour le locatif », écrit l'économiste de Desjardins dans son récent Zoom sur l'habitation. La construction de copropriétés connaît une forte croissance, un phénomène concentré à Montréal.

Environ 49 000 nouveaux logements en 2018 représenteraient une hausse de 5,4 % du niveau des mises en chantier par rapport à 2017.

En novembre dernier, Desjardins prévoyait une légère baisse des mises en chantier pour 2018, à 46 000 logements. Ce pessimisme était dicté par la hausse des taux d'intérêt, le resserrement des règles hypothécaires et le ralentissement attendu de la croissance de l'économie et de l'emploi.

Desjardins n'était pas seul sur son bateau. En janvier dernier, la Commission de la construction du Québec, organisme paritaire chargé de l'application de la loi sur les relations du travail dans l'industrie, appréhendait un recul de 6 % des mises en chantier.

De son côté, l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ), association patronale du secteur résidentiel, voyait dans sa boule de cristal en octobre dernier une légère baisse en 2018, à 41 500 mises en chantier.

« Oui, il y a un regain d'activité, surtout destiné au marché locatif. »

- Georges Lambert, directeur du service de recherche de l'APCHQ

M. Lambert calcule que le locatif représente 44 % du total des mises en chantier de janvier à avril. Après quatre mois en 2018, les mises en chantier affichent une hausse de 11 % par rapport à la même période l'an dernier.

« On fait nos prévisions une fois par année, en octobre, poursuit l'économiste. Vraisemblablement, on va réviser le tout à la hausse. »

UN SPÉCIALISTE AVAIT ANTICIPÉ LE CYCLE HAUSSIER

Au début de juillet 2016, La Presse Affaires avait publié un dossier dans lequel un consultant en marketing immobilier, Gilles Ouellet, osait prédire la remontée du cycle immobilier, alors que les économistes appréhendaient une glissade des mises en chantier pour les années à venir.

Les économistes justifiaient leurs dires par la faible croissance attendue des nouveaux ménages, une statistique clé en construction résidentielle.

De son côté, le président de Groupe Solutions, Marketing immobilier fondait sa prévision audacieuse sur la théorie des cycles. Il y soutenait que la littérature scientifique tend à démontrer que l'activité immobilière fonctionne par des cycles d'une durée moyenne de 18 ans.

Selon lui, le marché a entrepris un nouveau cycle après le creux de 2013 et devrait connaître un sommet vers 2025, avant d'entreprendre une nouvelle phase baissière.

Deux ans après la parution de l'article, la conjoncture donne pour le moment entièrement raison à Gilles Ouellet. « Ça s'est toujours passé comme ça depuis 223 ans. L'immobilier est cyclique, dit-il au téléphone. Je continue de prévoir que les mises en chantier vont continuer d'augmenter encore pour les cinq et six prochaines années. »

Cycle immobilier : le plus récent creux remonte à 2013

Pour les amateurs de statistiques, le record au Québec des mises en chantier a été établi en 1987 avec 74 179. Les statistiques couvrent de 1955 à aujourd'hui. Les années les plus fertiles en matière d'habitations sorties de terre sont survenues entre 1970 et 1990, à l'exception de 1981 et 1982. Les années 90 ont été les plus sombres. Pendant cinq années, moins de 30 000 logements par an ont été construits. Le dernier sommet s'est produit en 2004 avec 58 448 logements ; le plus récent creux, en 2013, avec 37 758 unités.