Ce ne sera pas la catastrophe que certains appréhendaient, mais le marché immobilier québécois fera bel et bien les frais des nouvelles règles hypothécaires instaurées par Ottawa. Les ventes de propriétés reculeront de 7% cette année au Québec, tandis que les prix feront du surplace, selon de nouvelles prévisions diffusées hier. Et des milliers de jeunes acheteurs devront reporter la réalisation de leur rêve.

- 7 %

La Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) tenait hier sa grand-messe annuelle à Montréal en présence de centaines de courtiers. Au menu : les prévisions du marché pour 2017. Après une année 2016 marquée par un rebond des ventes un peu partout dans la province, le secteur immobilier souffrira des mesures annoncées en octobre par le ministre fédéral des Finances. La FCIQ table sur 72 500 transactions cette année, soit 6000 de moins que l'an dernier. Le prix médian des maisons unifamiliales devrait stagner à 234 000 $, ce qui équivaut à une légère baisse si l'on tient compte de l'inflation.

LES JEUNES ÉCOPENT

Parmi les nouvelles mesures fédérales, on compte l'instauration d'un « test de simulation de crise » des taux d'intérêt pour les prêts assortis d'une mise de fonds inférieure à 20 %. Au Québec, quatre premiers acheteurs sur cinq seront touchés par ce resserrement des règles. Ceux-ci devront se résigner à emprunter moins d'argent auprès des banques, ou encore retarder leur projet d'achat le temps d'accumuler une mise de fonds plus substantielle. « Grosso modo, je pense qu'environ 20 % de nos premiers acheteurs ne passeraient pas, ce qui va se traduire par 5000 à 6000 acheteurs de moins à l'échelle du Québec », a avancé Paul Cardinal, directeur de l'analyse de marché à la FCIQ, pendant la conférence.

L'EMPLOI SAUVE (UN PEU) LA MISE

La débandade du marché immobilier québécois aurait pu être pire. Paul Cardinal a souligné hier la tenue « remarquable » du marché de l'emploi depuis un an, alors que 53 000 nouveaux postes à temps plein ont été créés au Québec, surtout chez les 25 à 44 ans. Montréal tire particulièrement bien son épingle du jeu, au point que la FCIQ prévoit un recul des ventes moindre qu'ailleurs en province (- 5 %) et une augmentation de 1 % du prix des unifamiliales, à 297 000 $. « La raison pour laquelle je suis plus optimiste qu'il y a quelques mois pour la région de Montréal, c'est que les chiffres de l'emploi sont vraiment solides et devraient soutenir la demande, a fait valoir Paul Cardinal. Je pense qu'on devient aussi de plus en plus attrayants pour les étrangers. »

LE MARCHÉ SE RÉÉQUILIBRE

Malgré la baisse des ventes prévue en 2017, le marché immobilier de Montréal continue à s'assainir. Le nombre de propriétés à vendre a fléchi de 10 % l'an dernier, avec 30 740 inscriptions en vigueur, ce qui a permis de s'éloigner du sommet historique atteint en 2015. Le marché se trouve en territoire équilibré, voire à l'avantage des vendeurs, dans plusieurs secteurs de la métropole, surtout pour les unifamiliales. Le segment de la copropriété commence de son côté à revenir vers des niveaux plus près du point d'équilibre, avec quelques quartiers en bouillonnement. En parallèle, le nombre de condos neufs invendus plus d'un an après leur construction a reculé à 675 à la fin de 2016, soit 300 de moins qu'un an plus tôt, a indiqué Francis Cortellino, économiste du marché à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

LES TAUX REMONTERONT

Après plusieurs fausses alertes lancées au cours des dernières années, la remontée des taux hypothécaires est maintenant entamée. La FCIQ s'attend à un rebond de 0,25 à 0,50 % des taux hypothécaires de cinq ans d'ici la fin de l'année. Paul Cardinal explique entre autres cette augmentation par l'élection de Donald Trump aux États-Unis, qui a poussé les taux obligataires à la hausse en raison des craintes d'inflation. « Plusieurs mesures exerceront des pressions à la hausse sur les taux hypothécaires en 2017, notamment les nouvelles règles du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) qui obligent les institutions financières fédérales à conserver une plus grande part de fonds propres sur leurs prêts hypothécaires assurés », a-t-il ajouté. Sur le site du courtier Multi-Prêts, il était encore possible hier de trouver un taux à 2,64 % pour un prêt de cinq ans à taux fixe.

HAUSSE DU COÛT DE L'ASSURANCE HYPOTHÉCAIRE

La SCHL a par ailleurs annoncé hier une augmentation de ses primes d'assurance prêt hypothécaire, la troisième du genre en quatre ans. Pour expliquer cette nouvelle hausse, l'organisme fédéral pointe les nouvelles exigences de capital imposées par le BSIF, entrées en vigueur il y a deux semaines. La majoration moyenne sera de 5 $ par mois pour les Canadiens qui sont assurés par la SCHL, dont la valeur des prêts assurés s'élève en moyenne à 245 000 $. « Nous ne nous attendons pas à ce que la majoration des primes ait une incidence considérable sur la capacité des Canadiens à acheter une habitation », a fait valoir Steven Mennill, premier vice-président, assurance, dans un communiqué.