Construire un amphithéâtre de sport professionnel est rarement un dossier simple et sans histoire. Le projet d'un nouvel amphithéâtre pour les Sénateurs au centre-ville d'Ottawa s'annonce toutefois comme un feuilleton unique en son genre.

Qu'y a-t-il de si particulier cette fois-ci à Ottawa ? Le propriétaire des Sénateurs, Eugene Melnyk, est parmi les deux groupes en lice afin de construire un amphithéâtre et développer les 21 hectares de terrains sur les plaines LeBreton, au centre-ville d'Ottawa. Mais le duel s'annonce relevé : le consortium rival est notamment composé des hommes d'affaires montréalais André Desmarais, président délégué du conseil et président et co-chef de la direction de Power Corporation du Canada (propriétaire de La Presse), et Guy Laliberté, cofondateur du Cirque du Soleil.

Chacun des deux projets prévoit entre autres un nouvel amphithéâtre pour les Sénateurs, qui jouent en banlieue à Kanata depuis 1996. Mais voilà, le propriétaire Eugene Melnyk clame haut et fort qu'il ne déménagera pas son équipe de hockey dans ce nouvel amphithéâtre au centre-ville si son groupe ne remporte pas l'appel d'offres de la Commission de la capitale nationale (CCN), propriétaire des plaines LeBreton.

« Je n'ai aucunement l'intention de vendre l'équipe, peu importe le prix, ou de déménager dans un amphithéâtre qui ne m'appartient pas. La réalité économique d'une équipe de hockey à Ottawa ne le permet pas. » - Eugene Melnyk, propriétaire des Sénateurs d'Ottawa

« Nous l'avons fait depuis 13 ans. Il n'y a pas de formule secrète : vous devez avoir une autre source de revenus [gérer l'amphithéâtre] », a dit Eugene Melnyk hier en conférence de presse à l'occasion du début des consultations publiques de la CCN.

Le groupe rival Devcore Canderel DLS - qui réunit les firmes Devcore et Canderel, André Desmarais, Guy Laliberté et des gens d'affaires d'Ottawa (William J. Sinclair et la famille Mierins) - n'est pas inquiet. « Évidemment, si j'étais dans les souliers [de M. Melnyk], je dirais la même chose, dit Daniel Peritz, vice-président principal de Canderel. Si on gagne [l'appel d'offres], il pourra venir nous parler. Il y a toutes sortes de façons de répondre à ses inquiétudes. Notre intention est de construire un aréna et d'amener les Sénateurs au centre-ville. »

Un autre scénario a été évoqué hier. Si le consortium Devcore Canderel DLS remportait l'appel d'offres, pourrait-il être tenté de faire une offre à M. Melnyk pour acheter les Sénateurs ?

« Si M. Melnyk décidait de vendre, notre groupe serait intéressé à lui parler, dit Daniel Peritz. Si on construit un aréna, on aimerait bien que les Sénateurs viennent au centre-ville. Si l'équipe était à vendre, on serait intéressé à s'asseoir avec lui. » - Daniel Peritz, vice-président principal de Canderel

Mais l'équipe n'est pas à vendre, répète Eugene Melnyk, un homme d'affaires canadien résidant à la Barbade qui a fondé la société pharmaceutique Biovail et qui est propriétaire des Sénateurs depuis 2003. « Peu importe le prix », dit-il fermement. Son avenir comme propriétaire des Sénateurs est-il lié au fait de remporter l'appel d'offres pour le site des plaines LeBreton ? « Non », répond-il.

PAS DE FONDS PUBLICS POUR L'AMPHITHÉÂTRE

En raison des règlements de l'appel d'offres, les deux groupes ne peuvent pas divulguer des détails financiers de leur plan. Ils ont toutefois confirmé, hier, qu'ils ne demanderont pas de fonds publics aux gouvernements pour construire l'amphithéâtre de la LNH (les amphithéâtres de sport professionnel ne sont pas admissibles aux programmes fédéraux d'infrastructures). Par contre, d'autres éléments admissibles du projet pourraient bénéficier des programmes d'infrastructures déjà existants.

Eugene Melnyk, qui s'est associé à la firme immobilière Trinity pour former le consortium RendezVous LeBreton, est même « surpris » de n'avoir qu'un seul consortium comme rival. « Nous croyions qu'il y en aurait davantage », dit M. Melnyk, qui dit avoir parlé de sa proposition de nouvel amphithéâtre à la Ligue nationale de hockey. « Ils sont excités pour nous », dit-il.

Les Sénateurs font notamment valoir leurs liens avec la région d'Ottawa.

« [Des gens d'affaires de l'extérieur d'Ottawa] peuvent faire ce projet, mais les gens qui vivent à Ottawa s'en soucient vraiment. » - Cyril Leeder, président des Sénateurs

Le consortium Devcore Canderel DLS fait aussi valoir son attachement à la région de la capitale nationale. « Ottawa a toujours été un endroit spécial pour ma famille et moi. Pour notre groupe, il s'agit d'une occasion qui ne se présente qu'une fois par génération de contribuer à un projet d'envergure, tout en redéfinissant ce que sera la capitale de la nation », a indiqué dans un communiqué André Desmarais, président délégué du conseil et président et co-chef de la direction de Power Corporation du Canada.

M. Desmarais investirait dans ce projet à titre personnel, et non par le truchement de Power Corporation. Guy Laliberté a aussi indiqué être « ravi de faire partie de ce projet exaltant qui est à même de hausser le calibre du divertissement et d'améliorer la qualité de vie » à Ottawa.

La CCN doit choisir le consortium ce printemps, puis négocier avec lui. La ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly doit ensuite approuver le choix final cet automne, pour que le consortium retenu soit annoncé officiellement au début de 2017. Dans le meilleur des scénarios, les Sénateurs d'Ottawa déménageraient dans un nouvel amphithéâtre en 2020-2021. L'amphithéâtre actuel des Sénateurs, le Centre Canadian Tire, est situé à Kanata, à 26 kilomètres du centre-ville. C'est comme si le Canadien de Montréal jouait à Beaconsfield, dans l'ouest de l'île de Montréal.

LA PROPOSITION DE RENDEZVOUS LEBRETON

Le projet du groupe d'Eugene Melnyk et son entreprise Senators Sports & Entertainment comprend notamment : 

- un amphithéâtre du calibre de la LNH et une salle de spectacle de 18 000 sièges ;

- un amphithéâtre extérieur pouvant accueillir 28 000 personnes ;

- un établissement sportif multifonctionnel et des patinoires à usage communautaire (Sensplex) ;

- un emplacement pour une nouvelle bibliothèque municipale  ;

- une marche nocturne multimédia en forêt (en collaboration avec la firme montréalaise Moment Factory) ;

- cinq quartiers distincts et des espaces commerciaux.

LA PROPOSITION DE DEVCORE CANDEREL DLS

Le projet du groupe comprenant Guy Laliberté et André Desmarais inclut notamment :

- un amphithéâtre du calibre de la LNH et une salle de spectacle de 18 500 sièges ;

- un amphithéâtre extérieur de 4000 à 10 000 sièges ;

- le premier musée multimédia au pays ;

- un planétarium et un aquarium ;

- un pavillon de la science et de l'innovation ;

- des espaces urbains et des parcs (55 % du site sera consacré aux espaces du domaine public et aux activités) ;

- un million de pieds carrés d'espaces à bureaux et des espaces commerciaux.

Photo fournie par Devcore Canderel DLS

La proposition de Devcore Canderel DLS comprend un amphithéâtre du calibre de la LNH et une salle de spectacle de 18 500 sièges, un amphithéâtre extérieur de 4000 à 10 000 sièges et ce qui serait le premier musée multimédia au pays.