Peu après avoir pendu la crémaillère dans leurs condos flambant neufs, 21 copropriétaires de Gatineau déchantent: l'air froid pénètre par les murs mal isolés, l'eau s'infiltre dans le garage et la ventilation est déficiente. Ils apprennent aussi que leur immeuble ne respecte pas les normes de protection contre les incendies. Pas de problème, se disent-ils: notre garantie contre les vices de construction se chargera des travaux.

Erreur! Après huit ans, leurs problèmes ne sont toujours pas réglés. La Garantie des maisons neuves (GMN) soutient pourtant avoir dépensé 2 millions de dollars en travaux correctifs. Mais selon les copropriétaires, ils ont été bâclés par un entrepreneur aussi incompétent que le premier et ont dû être corrigés. La facture a explosé à cause de la mauvaise gestion du dossier par la GMN, contre laquelle ils se battent pour faire finir les travaux. Ils en ont encore pour un demi-million. Chaque propriétaire doit maintenant verser une cotisation spéciale de près de 25 000$ pour payer cette facture, alors que l'affaire leur a déjà coûté 30 000$ en frais d'expertise.

«L'édifice a été construit tout croche et, par la suite, on a eu une foule de problèmes pour obtenir les correctifs nécessaires. Depuis toutes ces années, on a l'impression de se battre contre le plan de garantie qui était censé nous protéger», dénonce Jean-Guy Roy, président du syndicat des copropriétaires de Place de la Falaise, qui a consacré des centaines d'heures à ces pénibles démarches. À bout de patience, le syndicat poursuit, pour 1,8 million, l'entrepreneur Memora Construction et l'architecte qui a supervisé le chantier.

Conflit d'intérêts

Comme ces copropriétaires, de nombreux acheteurs aux prises avec d'importants vices de construction dans leur maison neuve ou leur condo neuf se plaignent d'être abandonnés par leur plan de garantie, qui donne parfois l'impression de favoriser les entrepreneurs. C'est pour s'attaquer à ce problème que Québec se prépare à annoncer, la semaine prochaine, la création d'un organisme indépendant pour gérer les garanties sur les nouveaux immeubles résidentiels.

Il existe trois plans de garantie actuellement, qui sont entre les mains de deux associations d'entrepreneurs: l'Association de la construction du Québec (ACQ) et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ). Mais ces organismes ont pour mission de défendre leurs membres et non de protéger les propriétaires, souligne l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC).

«Les plans de garantie sont juges et parties. Ils doivent demander aux entrepreneurs fautifs de réparer leurs erreurs, mais les entrepreneurs sont leurs membres», s'indigne Jean Dion, président de l'ACQC, qui dénonce depuis longtemps cette situation de conflit d'intérêts. D'autant plus que «ce sont les acheteurs qui financent à 100% les plans de garantie, sans le savoir», déplore M. Dion.

Une facture insoupçonnée

En effet, la facture d'achat d'une maison ou d'un condo neuf (dans un édifice de moins de quatre étages) inclut automatiquement une prime pour payer le plan de garantie obligatoire. Elle est d'environ 850$ pour une maison et de 1250$ pour un condo. Dans les deux cas, il faut ajouter une prime de 300$, prélevée depuis août 2012 pour constituer un fonds de réserve pour les sinistres majeurs.

Mais les consommateurs ne sont pas informés de ces frais. «On n'a rien à dire sur la gestion de ces fonds, dit Jean Dion. Il faudrait que la facture indique en détail combien le consommateur paie pour le plan de garantie et comment les fonds sont utilisés.»

Surtout que la facture risque d'augmenter en même temps que les changements envisagés par Québec: selon plusieurs sources, la Régie du bâtiment (RBQ) aurait proposé à la ministre du Travail, Agnès Maltais, responsable du dossier, de fixer les tarifs à 1050$ pour une maison et à 1550$ pour un condo, plus la prime supplémentaire de 300$ qui sera maintenue.

De meilleures inspections

Cette hausse devrait permettre d'offrir de meilleurs services aux propriétaires en cas de problème. «Ça coûtera plus cher, mais un organisme indépendant permettra d'éviter les conflits d'intérêts et de mieux inspecter les chantiers des entrepreneurs accrédités, pour améliorer la qualité de la construction et prévenir les problèmes avant leur apparition», souligne Me Yves Joli-Coeur, avocat spécialisé en immobilier et secrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ).

Cette hausse est tout à fait justifiée, selon l'ACQC, qui reçoit chaque semaine des appels de propriétaires en détresse, qui subissent des problèmes d'humidité, de moisissures ou de balcons dangereux. L'organisme plaide même pour une prime encore plus élevée, pour financer un système d'inspection beaucoup plus efficace. «Une maison, c'est le plus grand achat de notre vie, note Jean Dion. C'est inadmissible qu'il n'y ait pas une meilleure surveillance des chantiers résidentiels.»

«Demandez aux propriétaires qui ont eu des problèmes combien valent le stress, le sommeil perdu et les heures gaspillées à cause des vices de construction», lance l'avocat Yves Papineau, qui représente plusieurs de ces propriétaires.