L'annonce de nombreux projets de copropriétés à Montréal continue à faire couler beaucoup d'encre. Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL) qualifie la situation de très préoccupante, dans une analyse fouillée du marché immobilier résidentiel des grandes villes canadiennes que l'organisme a publiée hier.

«L'offre à court terme et à moyen terme est très préoccupante, écrit Marie-Claude Guillotte, économiste. Il y a un nombre important de projets en cours qui soulève des problèmes de surconstruction. Au rythme où se sont terminés les projets ces dernières années, il y aurait presque deux ans de stocks en construction, ce qui est élevé», poursuit-elle.

«Le marché de Montréal serait le plus à risque de subir un ralentissement plus prononcé, car la demande devrait être insuffisante pour subvenir à l'offre importante de condos neufs qui se retrouvera sur le marché d'ici les deux prochaines années», dit encore Mme Guillotte.

Le scénario catastrophe sera évité si les promoteurs ne lancent pas leur projet de façon spéculative, croit, pour sa part, Gilles Ouellet, président de Groupe Solutions, Marketing immobilier, un expert de la mise en marché de projets résidentiels. La construction spéculative consiste à lancer un projet de copropriétés sans avoir vendu les logements au préalable. Habituellement, dans le marché montréalais, les promoteurs lancent leur projet seulement s'ils ont vendu sur papier de 50 à 60% des logements projetés.

«S'il n'y a pas de construction spéculative, il n'y aura pas de surconstruction même en cas de ralentissement de la demande. Les projets annoncés ne sortiront pas de terre tout simplement. Il y aura peut-être des bureaux de vente placardés, mais il n'y aura pas de tours de condos placardées», dit-il dans un entretien à La Presse Affaires.

Néanmoins, deux autres facteurs viennent aggraver une situation déjà préoccupante, la tendance des permis de bâtir est repartie à la hausse récemment. Puis, le marché de la revente dans la région de Montréal ne justifie pas le niveau intense d'activité auquel on assiste dans le marché du neuf, contrairement à ce qui se passe à Toronto, par exemple.

À Montréal, le marché est équilibré depuis l'été 2010. Selon l'indice de Prix de maison Teranet Banque Nationale, l'un des indices les plus pertinents concernant l'évolution du prix des maisons, les prix ont augmenté de 4,4% sur un an à Montréal, en juin.

Dans la Ville reine, le marché de la revente reste fort actif: les ventes de condos atteignent des niveaux records. Les prix sont d'ailleurs en hausse de 9,5%, selon l'indice Teranet, largement au-dessus de la moyenne nationale.

Un condo sur cinq en location

Dans le cas du marché des condos de Montréal, un scénario envisagé serait qu'une proportion grandissante des condos à être construits aboutissent sur le marché de la location. Historiquement, le marché de la location de copropriétés est marginal à Montréal, contrairement à Toronto. Mais plusieurs facteurs militent en faveur d'un rattrapage à ce chapitre.

Par exemple, les logements libres dans le marché locatif traditionnel se font rares - le taux d'inoccupation a glissé à 2,5% en 2011, au moment où le resserrement des règles hypothécaires et l'ajout par la migration de plus de 30 000 personnes à Montréal nourrissent la demande de logements à louer.

Les condos offerts en location pourraient ainsi fort bien loger ces nouveaux arrivants. Les immigrants qui s'installent à Toronto et à Vancouver ont un revenu de 20 à 30% plus élevé que ceux qui choisissent Montréal, nous apprend VMBL. D'ailleurs, 9 immigrants sur 10 à Montréal sont locataires, mais le pourcentage baisse à 70% à Toronto et à 60% à Vancouver.

Le phénomène de la location de copropriété est déjà commencé, selon VMBL. Le taux d'inoccupation de condos est passé de 4,2%, en 2010, à 2,8%, un an plus tard, témoin d'une demande en croissance.

Actuellement, 9,3% des condos sont offerts en location dans la région de Montréal, comparativement à 22% à Toronto. Toutefois, au centre-ville de Montréal, la proportion de condos à louer s'établit à plus de 20%.

L'écart entre le prix d'un loyer et le coût de propriété d'un logement équivalent favorise également la location. «Les coûts de propriété demeurent 15% plus importants que les coûts de location, un niveau élevé d'un point de vue historique, ayant un impact considérable sur l'accessibilité à la propriété et favorisant la location», indique Mme Guillotte. Les loyers de condos de deux chambres, à plus de 1000$ par mois, ne connaissent aucune inflation depuis cinq ans, souligne l'économiste de VMBL.