Plusieurs propriétaires se plaignent de délais allongés «délibérément» à la Régie du logement dans les causes de non-paiement de loyer, une situation qui devient embêtante à quelques jours du 1er juillet.

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La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qui compte 10 000 membres, dit avoir reçu de nombreuses plaintes ces dernières semaines. Les proprios déplorent des délais de plus d'un mois entre l'audience d'une demande en non-paiement et l'expédition de la décision, alors que ce même processus prend normalement six jours ouvrables, selon le rapport annuel 2010-2011 de la Régie.

«Quand ça prend un mois, il y a délibérément une intention de ralentir le système, pour nous, c'est une évidence», a lancé hier Hans Brouillette, porte-parole de la CORPIQ.

L'étirement des délais empêche les propriétaires de percevoir des loyers qui leur sont dus, ou encore d'évincer les locataires fautifs, dénonce le regroupement. Cette situation est d'autant plus dommageable à l'approche du 1er juillet, puisque des appartements qui auraient pu être reloués demeurent occupés par de mauvais payeurs, ajoute la CORPIQ.

Brian Bourque, propriétaire de deux petits immeubles à Verdun et Hochelaga-Maisonneuve, s'estime pénalisé par les récents délais. Il a obtenu une audience devant la Régie le 14 mai dernier pour tenter de faire évincer une locataire qui ne payait pas depuis avril. Le jugement a été rendu le 16 juin, et il ne pourra l'exécuter avant la mi-juillet.

«En additionnant les quatre mois de loyer impayé et les frais de la Régie et des huissiers, mes pertes s'élèvent à presque 3500$, a-t-il indiqué à La Presse Affaires. Comme il s'agit seulement d'un sixplex, c'est presque mon profit de l'année qui vient de s'envoler!»

Un autre proprio de la Rive-Sud, furieux, attend toujours la décision d'une cause entendue par la Régie à la mi-mai. Une audience pendant laquelle le locataire a reconnu ne pas avoir payé son loyer. «Je suis propriétaire depuis 23 ans, j'ai eu de très nombreuses causes devant la Régie et, normalement, ça prend juste quelques jours.»

La Régie réplique

À la Régie du logement, le porte-parole, Jean-Pierre Le Blanc, signale que les régisseurs - qui entendent les causes - bénéficient d'un «délai légal» de 90 jours pour rendre une décision. «Il ne peut y avoir d'intervention administrative dans le processus, les régisseurs sont maîtres lorsqu'ils mettent une cause en délibéré.»

M. Le Blanc n'a pas été en mesure de confirmer si des négociations de contrat de travail étaient en cours à la Régie. Selon la CORPIQ, cela pourrait expliquer l'allongement soudain des délais - un moyen de pression, en somme.

Ni le Conseil du Trésor, ni le bureau du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard (responsable de la Régie du logement), n'ont été en mesure de commenter la situation, hier. La Régie est un tribunal administratif autonome, a souligné l'attachée de presse de M. Lessard.

Notons que le ministère des Affaires municipales a créé en décembre dernier 8 nouveaux postes de régisseurs à la Régie, ce qui porte le total à 42. Cette mesure vise à réduire les délais pour l'audition des diverses causes.

Selon Martin Messier, président de l'Association des propriétaires du Québec, les «ajustements» causés par l'ajout de nouveaux régisseurs pourraient expliquer les délais récents. Il dit avoir été mis au fait de «cas isolés» de retards, mais il se montre moins inquiet que la CORPIQ quant à la situation actuelle.

Les locataires patientent...

Les groupes de locataires, pour leur part, dénoncent depuis des années la lenteur de la Régie. En 2010-2011, le délai moyen pour obtenir une première audience atteignait 15,1 mois pour les «causes civiles générales», qui incluent la présence de vermine ou de moisissures.

De plus en plus, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec recommande aux locataires de s'adresser à la Ville lorsqu'ils subissent des problèmes de sécurité ou de salubrité, puisque la réaction est «beaucoup plus rapide» qu'à la Régie.

«On ne comprend pas pourquoi les propriétaires se plaignent: la Régie a trois mois pour rendre une décision», a par ailleurs fait valoir France Émond, porte-parole du Regroupement.

Locataires ou propriétaires: communiquez avec notre journaliste pour témoigner de votre expérience à la Régie du logement à l'adresse mbergeron@lapresse.ca