Seuls 2 courtiers immobiliers sur les 17 000 de la province ont perdu leur permis de pratique l'an dernier en raison d'une faute professionnelle. Et 11 autres ont connu un sort similaire depuis huit ans, révèlent des données obtenues par La Presse Affaires.

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La rareté des sanctions peut sembler surprenante dans une industrie ultraréglementée, qui a généré 80 126 transactions d'une valeur de 19,3 milliards de dollars au Québec l'an dernier. Mais Giovani Castiglia, syndic de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), soutient que le faible nombre de radiations n'a rien d'anormal - et que les consommateurs sont bien protégés.

«Pour appliquer une mesure aussi extrême - la révocation permanente du permis -, il y a une jurisprudence qui est établie et, selon la gravité des gestes commis par le membre, il y a une gradation des sanctions, a-t-il dit. Par exemple, on ne met pas quelqu'un en prison à vie parce qu'il a grillé un feu rouge.»

Le système de traitement des plaintes de l'OACIQ, qui vise à protéger le public, fonctionne comme un entonnoir. L'organisme a reçu l'an dernier 1805 griefs contre des courtiers, dont 322 ont été transmis au bureau du syndic. De ce nombre, 83 ont été soumis au comité de discipline, qui a imposé en fin de compte 30 suspensions temporaires et 2 révocations de permis.

Le comité impose en parallèle d'autres sanctions moins sévères. L'an dernier, il a formulé 22 réprimandes et donné 44 amendes totalisant 133 900$ à des courtiers fautifs, en plus d'en obliger 12 autres à suivre des séances de formation ou à réussir des examens.

«Notre système vise à faire comprendre aux membres, lorsque les sanctions sont imposées, que ce geste-là ne peut pas être reproduit, a fait valoir Giovani Castiglia. Et à assurer le public que dorénavant, il sera protégé contre ce membre-là. Ce n'est pas nécessairement un système qui se veut punitif, mais correctif des agissements.»

Le syndic affirme en outre que les suspensions temporaires imposées par l'OACIQ - qui s'appelait ACAIQ jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur le courtage en mai 2010 - ont souvent le même effet qu'une radiation permanente du permis d'exercice. La publication d'un avis dans les journaux et la perte de contact avec la clientèle en incitent plusieurs à abandonner la profession, dit-il.

Vigilance

Benoît Turcotte, avocat montréalais spécialisé en droit immobilier, redirige souvent ses clients vers l'OACIQ. Mais si l'organisme permet de «corriger les comportements délinquants», il n'apporte pas selon lui de bénéfice à court terme aux plaignants - en l'occurrence un dédommagement financier pour une transaction qui a mal tourné. «La seule procédure vraiment utile, c'est devant les tribunaux», affirme-t-il.

L'avocat recommande aux consommateurs de faire preuve de la plus grande vigilance avant de confier un mandat de courtage.

«L'ordre professionnel, c'est la ceinture de sécurité, le ballon gonflable, mais ce n'est pas parce qu'on fait affaire avec un courtier immobilier qui porte le titre qu'on est à l'abri de tout problème. Ça passe par l'entrevue, par la recherche auprès de l'entourage, par les références.»

Les suspensions et révocations de licences découlent en général de fraudes à répétition, ou de l'utilisation erronée de sommes placées en fiducie par des clients, a précisé le syndic de l'OACIQ.

À sa connaissance, l'ACAIQ n'a jamais imposé de radiations avant 2004.

Si les révocations sont rares au Québec, elles le sont encore davantage dans la province voisine. Le Real Estate Council of Ontario n'a suspendu aucune licence au cours des deux dernières années, et il en a révoqué seulement trois pendant les deux années précédentes. À titre de comparaison, un autre ordre professionnel, le Barreau du Québec, a émis 38 avis de radiation - dont deux permanentes - touchant 29 avocats pendant son dernier exercice financier.

Mandat renforcé

Le mandat de l'OACIQ a été renforcé l'an dernier avec l'introduction de la nouvelle Loi sur le courtage immobilier. Depuis, le syndic Giovani Castiglia dit avoir observé un «petit boom» dans le nombre de dossiers ouverts pour courtage hypothécaire illégal.

L'appellation «agent» a été remplacée par «courtier», et de nouveaux examens plus sévères ont été mis en place pour la délivrance des permis de pratique depuis l'entrée en vigueur de cette loi. Le nombre de courtiers immobiliers (incluant ceux qui sont «agréés») a en parallèle reculé, passant de 17 700 le 1er janvier dernier à 16 635 en date d'hier.