Le resserrement des règles s'appliquant aux prêts hypothécaires assurés aura un impact chez les premiers acheteurs de maison, tandis que son impact sur le marché hypothécaire pris dans son ensemble sera surtout symbolique.

Certains ménages devront retarder la réalisation de leur rêve d'accéder à la propriété, peut-être pour leur plus grand bien, remarquez bien.

Les premiers acheteurs ayant une mise de fonds minimale (5% de la valeur de la maison) devront disposer d'un revenu annuel de 70 000$ pour décrocher un emprunt hypothécaire de 300 000$ à un taux de 4%.

Auparavant, avec les anciennes règles en vigueur, la maison pouvait devenir la leur avec un revenu de 65 000$, selon les calculs de Denis Doucet, directeur régional sur la Rive-Sud pour le courtier hypothécaire Multi-Prêt. Le calcul vaut pour un ménage qui n'a aucune dette.

Le prix moyen d'une maison unifamiliale s'élevait à 342 000$ en décembre 2010 dans l'île de Montréal, selon la Chambre immobilière du Grand Montréal.

«Ce sont ces ventes qui se feront plus avec les nouvelles règles», fait valoir M. Doucet.

Dans une analyse économique, la Banque TD évalue à 20 000, la diminution des reventes au Canada consécutives à l'application des nouvelles règles. L'Association canadienne de l'immeuble prévoit 442 200 reventes en 2010 et 402 500 transactions en 2011.

Chez Desjardins, seulement 5,4% des prêts ont un amortissement de plus de 30 à 35 ans, de préciser Nathalie Genest, porte-parole du Mouvement Desjardins, qui ne croit pas que les changements seront significatifs pour son organisation.

Stéfane Marion, économiste à la Financière Banque Nationale, est l'un de ceux qui croient que les mesures d'hier freineront la croissance du taux de propriété au Canada, qui dépasse maintenant celui des Américains.

Le taux est de 68,4% au Canada et 57,6% à Montréal en 2006, selon les données transmises par Bertrand Recher, de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Rajustements «prudents»

Le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a annoncé hier matin ce qu'il qualifie de «rajustements prudents» aux règles en vigueur. Ainsi, la période maximale d'amortissement des prêts sera réduite de 35 ans à 30 ans.

Ensuite, le montant maximal pouvant être refinancé diminuera de 90% à 85% de la valeur de l'habitation.

Finalement, le gouvernement cessera d'assurer les marges de crédit hypothécaire.

Les deux premières mesures entreront en vigueur le 18 mars tandis que l'élimination de la garantie d'assurance sur les marges de crédit hypothécaire prendra effet un mois plus tard.

Annonce symbolique, mais économies bien réelles

«C'est une annonce importante sur le plan symbolique, dit Carlos Leitao, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Le message montre la détermination du gouvernement à essayer de remettre le crédit aux ménages sur des bases solides.»

À ce sujet, les mesures annoncées aujourd'hui se traduiront par des économies pour les ménages canadiens.

Considérant un prêt de 300 000$ à 4% d'intérêt amorti pendant 30 ans au lieu de 35 ans, son détenteur paiera 105$ de plus par mois. Une fois son hypothèque remboursée, l'emprunteur aura toutefois économisé 41 850$ en dollars courants.

Quant aux nouvelles limitations concernant le refinancement hypothécaire, elles feront sentir leur impact auprès des ménages surendettés.

D'après Denis Doucet, de Multi-Prêt, une partie de sa clientèle intéressée par un refinancement hypothécaire est constituée de ménages désirant regrouper ses dettes de consommation avec l'hypothèque dans le but d'abaisser le paiement mensuel. Dans ces cas, le ratio prêt-valeur atteignait souvent 90% et le refinancement était amorti sur 35 ans.

Les principaux changements

1 - La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) ne garantira plus les prêts hypothécaires ayant un amortissement de 35 ans; ce maximum sera dorénavant ramené à 30 ans.

2 - Ottawa fixera également un nouveau plafond de 85% pour la somme qu'un propriétaire peut emprunter dans le refinancement de son hypothèque. Ce plafond s'élevait jusqu'à maintenant à 90%, après avoir été réduit de 5% en février dernier.

3 - Le gouvernement n'assurera plus les marges de crédit garanties hypothécaires.