Les prix de l'immobilier sont surévalués de 14% en moyenne au Canada, et de 13% au Québec, ce qui laisse entrevoir des baisses modérées au cours des deux prochaines années, affirme la Banque CIBC.

«Ça ne signifie pas qu'il y aura un krach demain matin, mais plutôt que le marché immobilier devra ralentir et stagner quelque peu pour permettre aux données économiques fondamentales de retrouver un certain équilibre», a fait valoir Benjamin Tal, économiste principal de CIBC, pendant un entretien avec La Presse Affaires.

> Suivez Maxime Bergeron sur Twitter

Le coût moyen des habitations a grimpé de 23% depuis le creux de janvier 2009, souligne M. Tal dans une étude publiée hier. Et il dépasse de 7% le niveau enregistré avant la récession. Or, selon lui, ni l'emploi ni la démographie ne justifient des hausses de prix aussi fulgurantes.

En conséquence, l'économiste entrevoit «un potentiel de déclin» de 5 à 10% un peu partout au Canada d'ici 18 à 24 mois. «La baisse sera probablement moindre au Québec, car le plus gros du déclin sera concentré dans l'ouest du pays, a-t-il avancé. Mais je ne serais pas surpris de voir un recul de 5% au Québec.»

Selon les calculs de CIBC, 1,5 million de maisons affichent aujourd'hui un prix plus élevé que leur juste valeur du marché. Cela représente 17% de toutes les résidences canadiennes.

La Colombie-Britannique est de loin la province la plus surévaluée, avec des prix 20,7% plus élevés que la valeur réelle des propriétés, soutient CIBC. Suivent l'Alberta (17,4%), le Manitoba et la Saskatchewan (13,2%), le Québec (13%), l'Ontario (11,7%) et les Maritimes (8,6%).

Question controversée

L'hypothèse d'une bulle immobilière canadienne - et de son inévitable éclatement - soulève les passions depuis des mois, dans un marché en pleine effervescence.

D'un côté, les plus pessimistes entrevoient un scénario apocalyptique à la sauce américaine, avec des prix qui chuteraient de façon abrupte. De l'autre, plusieurs économistes croient que le Canada s'en tirera sans baisse prononcée, grâce à la hausse des taux hypothécaires et au resserrement des conditions de prêts qui calmeront peu à peu la demande.

Au Québec, Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, souligne que le marché est encore «en pénurie» et qu'il devrait tendre vers l'équilibre l'an prochain. Cette situation milite en faveur d'un ralentissement graduel des hausses de prix, mais pas d'un recul à court terme. D'autant plus que le niveau actuel des prix n'est pas surévalué, selon l'institution.

Si baisse il y a, elle devrait survenir en 2014 au Québec, estime Mme Bégin. Le terme hypothécaire fixe de cinq ans devrait alors avoisiner les 8%, ce qui risque de décourager nombre d'acheteurs, avance-t-elle.

La question des baisses de prix demeure hypothétique, mais une chose est claire pour l'instant: l'achat d'une maison est de moins en moins abordable pour les Canadiens. RBC a publié hier une étude qui confirme la détérioration de l'accessibilité à la propriété pour le troisième trimestre consécutif.

RBC utilise depuis 1985 un indice qui mesure la portion de salaire brut médian nécessaire à la possession d'un bungalow détaché (hypothèque, taxes et services publics compris). L'indice a augmenté de 0,9% au premier trimestre, à 41,1%. Et il s'est établi à 34,8% au Québec (+0,5%), où le marché «s'échauffe».

«L'activité soutenue sur les marchés locaux comme celui de Québec a contribué à des records de revente de maisons et d'appartements et des valeurs des propriétés dans la province, a indiqué Robert Hogue, économiste principal à RBC, dans le rapport. L'inconvénient d'une activité aussi frénétique, c'est qu'elle diminue l'accessibilité à la propriété.»

L'indice RBC s'est dégradé dans toutes les grandes villes du pays, à l'exception de celles situées en Alberta. Il atteint 73,4% à Vancouver (+4,8%), 49,1% à Toronto (+0,4%), 40,3% à Ottawa (+0,3%), 39,7% à Montréal (+0,9%) et 36,5% à Calgary (+0,3%).

RBC prévoit une «dégradation continue» de l'accessibilité au pays au cours des 12 à 18 prochains mois, en raison de la hausse déjà entamée des taux d'intérêt.