Les boîtes de conserve en acier, dans lesquelles sont vendus des légumes, du poisson, de la soupe et des légumineuses, coûtent plus cher à fabriquer aux États-Unis depuis l'imposition de tarifs douaniers de 25 % par l'administration Trump. Résultat : les transformateurs alimentaires veulent refiler la facture aux détaillants canadiens. Y arriveront-ils ?

Fabriquées aux États-Unis avec de l'acier canadien, les boîtes de conserve coûtent plus cher à produire depuis le 1er juin. La mesure protectionniste a fait bondir leur prix de 1,5 ¢ à 3 ¢ pièce, selon diverses sources consultées par La Presse.

Pour Bonduelle Amériques, qui en vend chaque année des centaines de millions, cette hausse devra « évidemment » être refilée aux détaillants, dit son président Daniel Vielfaure.

L'entreprise, qui exploite huit usines au Canada (dont quatre au Québec), fabrique une très grande proportion de tous les légumes en conserve vendus au pays (marques nationales et privées) ainsi que des fèves au lard, des légumineuses et des soupes en conserve. Elle est donc frappée de plein fouet par la mesure protectionniste de Washington.

« On n'aura pas le choix de passer cette augmentation de coût vu les énormes volumes qui passent dans nos usines. »

Mais aucune demande formelle n'a encore été transmise par Bonduelle aux grandes chaînes, précise-t-il. Il est donc trop tôt pour savoir de quelle manière les détaillants réagiront.

Un dirigeant d'expérience dans l'industrie agroalimentaire note que « depuis toujours, les hausses de prix sont refusées par les détaillants. C'est toujours une bagarre. Il faut toujours négocier ». Mais, ajoute celui qui préfère conserver l'anonymat par crainte de représailles, le processus finit immanquablement par une hausse de prix pour le consommateur à la suite d'un processus qui « prend de 8 à 12 semaines ».

Metro « comprend »

Les célèbres soupes Campbell n'ont pas davantage l'intention d'absorber la hausse de leurs coûts. Une porte-parole a indiqué à La Presse canadienne que les prix d'« un large éventail de produits » bondiront d'ici à la fin août. Les montants n'ont pas encore été déterminés, mais les tarifs douaniers s'ajouteront aux coûts accrus de transport, d'emballage et d'ingrédients, a précisé le fabricant.

Un autre transformateur établi au Canada a été plus vite sur la détente que Bonduelle et Campbell. Sa volonté d'augmenter ses prix d'environ 3 ¢ l'unité a été communiquée aux détaillants il y a quelques semaines déjà. Une somme en apparence minime, mais qui équivaut « à des centaines de milliers de dollars au bout d'un an ».

« Seul Metro a accepté d'emblée. Et ils l'ont fait rapidement. Ils comprennent qu'on n'a pas le choix », dit un chargé de compte qui a demandé à ne pas être nommé pour ne pas nuire à son employeur. Sur les rayons, le prix de l'aliment a déjà bondi de 10 ¢, puisque les prix doivent finir par un « 9 ». Un scénario désavantageux pour les clients qui pourrait évidemment se répéter.

L'homme qui travaille dans le secteur agroalimentaire depuis plusieurs années est « très [agréablement] surpris » par l'attitude de l'épicier québécois. D'autant plus que les autres détaillants n'ont pas répondu à la demande, lui ont dit que la hausse serait évaluée dans plusieurs mois, ou ont carrément menacé de retirer le produit des rayons. Il s'attend donc à devoir mener quelques luttes.

Que feront les détaillants ?

Metro, à l'instar d'IGA, n'a pas voulu parler du prix des boîtes de conserve d'acier avec La Presse. Puisqu'il s'agit d'« un dossier d'industrie », nos demandes d'information ont été dirigées vers le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

Par courriel, le lobby rappelle que les détaillants « font une gestion presque quotidienne de leurs prix » en tenant compte de plusieurs facteurs. « On ne peut pas dire aujourd'hui que l'imposition des tarifs douaniers mène systématiquement à une hausse de prix », écrit Marc Fortin, président, CCCD-Québec.

Il est « encore trop tôt pour prévoir avec certitude quelles seront les répercussions des tarifs douaniers », confirme Loblaw (Maxi et Provigo), tout en disant s'attendre à ce que des pressions soient exercées sur les prix de détail. « Différents facteurs viendront cependant atténuer ces effets, notamment la forte concurrence qui règne au sein du marché », nous a écrit la porte-parole Johanne Héroux, en précisant que chaque situation est évaluée « au cas par cas ».

Chez Dollarama, où l'on trouve une bonne variété de boîtes de conserve, un porte-parole a indiqué par courriel : « L'augmentation des prix est toujours notre dernier recours pour assurer le maintien de nos marges bénéficiaires. » Il va de soi que les prix ronds (1 $, 1,50 $, 2 $) rendent très délicates les moindres augmentations de coûtant pour l'entreprise montréalaise.

Nos exportations d'acier et d'aluminium en chiffres



• Le Canada est le plus important exportateur d'acier vers les États-Unis.

• 95 % des exportations canadiennes d'acier et 88 % des exportations d'aluminium vont aux États-Unis.

• L'aluminium canadien compte pour 47 % du marché de l'aluminium aux États-Unis.

• Les exportations canadiennes d'acier et d'aluminium aux États-Unis atteignent 16,6 milliards de dollars.

* Source : Exportation et développement Canada (EDC), données de 2017

Les cannettes d'aluminium plus chères également

Les cannettes d'aluminium coûtent plus cher elles aussi. Même celles fabriquées de ce côté-ci de la frontière puisque le matériau canadien a dû faire un détour par les États-Unis avant de revenir.

Hausse du prix du Pepsi en septembre

Pepsi Canada a annoncé aux détaillants à la fin juin que ses prix allaient augmenter de 1 ¢ la cannette à compter du 1er août, a rapporté la CBC. Selon l'embouteilleur de Pepsi Alex Coulombe, à Québec, « des discussions avec les détaillants ont lieu actuellement », si bien que les consommateurs seront affectés « en septembre », prédit le président Marc Coulombe. Absorber la hausse n'était pas une option. « Pour une cannette, 1 ¢ semble peu. Mais sur la quantité qu'on fait, ça devient très matériel. »

Coca-Cola, pas au Canada

La hausse de 1 ¢ des cannettes de Coca-Cola qui a récemment fait les manchettes touche exclusivement les États-Unis, selon le porte-parole de l'entreprise au Canada, Antoine Tayyar. Aucune augmentation de prix n'a été décrétée ici. « On ne peut pas spéculer pour le Canada. La situation nous touche, mais on ne peut pas spéculer sur les hausses de prix potentielles », a-t-il indiqué à La Presse. Le grand patron aux États-Unis, James Quincey, a pour sa part qualifié la situation de « perturbante » mais « nécessaire ».

Pénurie pour les brasseurs

Les brasseurs de bière doivent actuellement composer avec une hausse importante du prix des cannettes d'aluminium en raison de la surtaxe imposée par Washington, selon Radio-Canada. Certains acteurs de l'industrie ont parlé de coûts qui avaient doublé ces derniers mois. Les brasseurs sont également touchés par une pénurie de cannettes et d'importants retards de livraison puisque les stocks des deux principaux fabricants mondiaux seraient au plus bas.

Demande de dérogation d'Alcoa

Le plus important producteur d'aluminium des États-Unis, Alcoa, a demandé lundi au département américain du Commerce d'être exempté pendant un an des droits de douane de 10 % sur certaines importations canadiennes. L'entreprise fait valoir que les produits en question ne sont pas fabriqués en territoire américain. Dans d'autres cas, ils ne sont pas offerts en quantité suffisante. L'entreprise approvisionne Coca-Cola, entre autres.

Photo Mark Lennihan, archives Associated Press

FILE-In this May 7, 2018, file photo, cans of Pepsi are displayed in New York. PepsiCo Inc. reports earns on Tuesday, July 10. (AP Photo/Mark Lennihan, File)