Pierre Morin aime les jours de canicule. «C'est le bonheur absolu pour un marchand de crème glacée. Une journée comme ça, je vais servir au moins 2000 clients», dit le propriétaire du Bilboquet, une institution de l'avenue Bernard, à Outremont.

Mais mis à part la canicule, la demi-douzaine de producteurs québécois de crème glacée ont une autre raison de sourire, ces temps-ci: leurs affaires se portent de mieux en mieux, au point où certains songent à exporter leurs produits au Mexique.

La Laiterie de Coaticook, peut-être le fabricant le plus important du Québec, prévoit augmenter sa production de 20% à 30% cette année. En ces jours de canicule, ses 110 employés, répartis en deux quarts de travail, préparent quotidiennement 70 000 litres de crème glacée. «Il nous faudrait plus de place à l'épicerie, car nos tablettes se vident plus vite que les autres», dit Jean Provencher, président et copropriétaire de la Laiterie de Coaticook, qui vend 80% de sa crème glacée dans les épiceries de la province.

Le Glacier Bilboquet a aussi le vent dans les voiles. Sa production, qui augmentera de 15% cette année, pourrait atteindre 400 000 litres cette année. Depuis 2007, la PME de neuf employés a ouvert un comptoir dans le Vieux-Montréal et des franchises à Westmount, au Plateau-Mont-Royal, à Laval et à Pointe-Claire. «Nous avions la capacité de produire davantage, mais nous manquions d'endroits pour vendre», dit le propriétaire, Pierre Morin. Pour résoudre son problème, le Bilboquet a aussi augmenté sa présence dans les supermarchés (Metro, IGA et Loblaws/Provigo), mais surtout dans les épiceries fines.

Les deux géants mondiaux de la crème glacée, Unilever (Breyers, Québon) et Nestlé (Häagen-Dazs, Parlour), occupent la majeure partie des rayons des supermarchés du Québec. Metro réserve néanmoins 30% de ses congélateurs de crème glacée aux produits québécois, dont ses marques maison Sélection et Irrésistible. Selon Metro, la proportion de crème glacée québécoise dans ses congélateurs est stable depuis quelques années.

Toujours omniprésent à l'épicerie, Unilever ne vend plus de contenants de 11,4 litres aux marchands de crème glacée depuis un an. «Les gros producteurs laissent tomber des segments plus petits du marché, ce qui nous permet d'occuper ces créneaux», dit Julien Dupéré, copropriétaire de la Laiterie de la Baie, dans la région du Saguenay, qui prévoit hausser sa production de crème glacée de 10% à 15% cette année.

Même si la croissance est au rendez-vous, les défis ne manquent pas pour les glaciers québécois, parmi lesquels on compte aussi la Laiterie Chagnon (Waterloo), les Aliments Le Bel (Lachute), Ital Gelati (Montréal) et Plaisirs glacés (Montréal). «Le printemps a été exécrable, et ces ventes-là ne reviendront pas», dit Denis Chagnon, copropriétaire de la Laiterie Chagnon. Sans compter les dépenses qui augmentent. «Les pires hausses de coûts depuis 25 ans! Tout a augmenté: le lait, la crème, le sucre, le sirop de maïs, l'essence pour le transport, le pétrole pour les contenants de plastique», dit Jean Provencher, de la Laiterie de Coaticook, qui n'a pourtant pas augmenté le prix de sa crème glacée cette année.

Autre preuve que tout n'est pas si rose dans l'industrie québécoise de la crème glacée: les mésaventures de Desserts Lambert, qui a fait faillite en octobre 2010 avant d'être rachetée par Plaisirs glacés il y a quelques mois.

N'empêche que le Québec ne pourrait bientôt plus suffire à ses fabricants de crème glacée. Depuis un an, la crème glacée Coaticook est vendue au Nouveau-Brunswick. Et ce n'est pas tout: l'entreprise est en pourparlers pour exporter au Mexique.