Le plus important fabricant de CD et de DVD du Québec, Disque Amérik, est en mode survie après deux années d'atrophie de son marché et de grave crise financière.

L'entreprise de Drummondville est sous la protection judiciaire de ses créanciers depuis six mois. Elle leur demande maintenant d'accepter un règlement plutôt pauvre: à peine 5,4 cents par dollar de créance.

Et en cas d'échec de ce vote, prévu vendredi, Disque Amérik risque fortement de ne pas pouvoir éviter la faillite et la liquidation de ses actifs, selon le syndic.

«Le règlement aux créanciers est petit, c'est vrai. Mais c'est tout ce que Disque Amérik peut offrir. L'autre possibilité, c'est la faillite et rien du tout pour les créanciers ordinaires», a commenté Michel Lavoie, syndic chez Raymond Chabot.

Du côté des dirigeants de Disque Amérik, on espère évidemment l'appui des créanciers afin d'assurer la continuité de l'entreprise, même à une taille réduite de moitié.

«Presque tous nos fournisseurs nous ont appuyés durant ces six mois de restructuration. Je demeure confiant envers le vote sur notre plan», a indiqué Claude Raymond, président et coactionnaire minoritaire de Disque Amérik.

Selon le syndic, le vote crucial de vendredi concerne une centaine de créanciers qui se partagent 25 millions de dollars en comptes impayés et prêts non garantis.

La proposition de règlement doit obtenir une majorité double - plus de 50% des créanciers et 66,6% de leur valeur totale - pour être admissible en justice afin de terminer la restructuration.

Entre-temps, Disque Amérik dit avoir l'appui de ses créanciers garantis, qui se partagent, quant à eux, 20 millions de dettes liées aux actifs.

Le principal d'entre eux, la société d'investissement Crown Capital, a d'ailleurs convenu de transformer une partie de sa dette en actions additionnelles de Disque Amérik.

L'autre actionnaire important, l'imprimeur Transcontinental, conservera sa part à environ le tiers du capital.

Toutefois, cette participation demeurera passive comme elle l'est depuis 2001, année où Transcontinental a radié de son bilan les 52 millions en valeur attribuée à son placement chez Disque Amérik.

Marché difficile

Par ailleurs, si elle réussit sa restructuration financière, Disque Amérik demeurera confrontée à un marché nord-américain en sérieuse consolidation.

Le marché des CD musicaux décline depuis des années face à l'essor du téléchargement.

Et dans le marché des DVD de films et de productions de télévision, la menace d'un plafonnement et d'un déclin se fait grandissante.

Dans ce contexte, même les grands fabricants comme la torontoise Cinram, numéro un sur le continent, peinent avec leurs résultats financiers.

Depuis trois ans, Cinram affiche des pertes cumulatives de 354 millions. Ce déficit témoigne des efforts requis pour limiter à 25% le déclin des ventes, qui ont atteint 1,4 milliard en 2009.

Pourtant, ce déclin s'accentuera encore. Cinram vient d'échapper le renouvellement de contrat de l'important producteur de films et de musique Warner Bros, qui compte pour le tiers de ses revenus.

Chez Disque Amérik, le volume d'affaires a chuté de moitié depuis 2007. L'usine de Drummondville, qui a produit près de 100 millions de disques par an en 2007, en fabriquera environ 50 millions cette année.

Toutefois, Disque Amérik aurait conservé des atouts pour continuer des activités rentables à échelle réduite, selon son président Claude Raymond. Et peut-être même ravir des parts de marché à ses concurrents.

«Notre marché est en consolidation, certes, mais surtout entre les grands éditeurs et les grandes usines de CD et de DVD. Il reste un bon potentiel d'affaires pour les petits fabricants comme Disque Amérik qui se spécialisent dans la clientèle de moindre taille.»

Selon M. Raymond, l'usine de Drummondville, même à la moitié de sa capacité, est demeurée très bien pourvue en équipements et en personnel d'expérience.

Aussi, Disque Amérik aurait déjà une réputation et une clientèle bien établies dans le milieu des éditeurs indépendants de CD et de DVD en Amérique du Nord.