Nous sommes une semaine avant Noël. Le grand patron du Groupe Canam (T.CAM) amorce à peine son petit-déjeuner qu'il commence sa liste au père Noël.

«Cher père Noël, s'il vous plaît, apporte-moi une opportunité d'investir notre capital dans une entreprise qui nous ressemble, qui vit une période un peu difficile - qui motive les vendeurs - et dont l'équipe de direction attend juste un peu d'oxygène pour reprendre de l'expansion.»

 

De toute évidence, même à 7h30 du matin, Marc Dutil a le sens de l'humour. En plus, il est patient. «Ça fait cinq ans qu'on attend!» dit-il, en parlant de cibles d'envergure. Il souhaite que 2010 sera la bonne année, celle qui lui permettra de réaliser l'acquisition désirée.

Ses dernières acquisitions, Canam les a faites en ciblant des entreprises en difficulté, que le groupe de Boucherville a remises sur les rails. «On a peut-être le luxe, dans la période qui s'en vient, d'acheter une entreprise qui va bien», avance-t-il, entre une bouchée d'oeufs brouillés et une gorgée de Pepsi diète.

Le secteur est déjà identifié, c'est celui des infrastructures en Amérique du Nord. Le président et chef de l'exploitation de Canam cherche une entreprise qui oeuvre dans un domaine où la consolidation est encore possible, sans être en concurrence avec des producteurs de matières premières qui ont décidé de s'offrir une usine, comme des aciéries qui fabriquent des barres d'armature.

En fait, il croit qu'avec la fin de la récession, les prochains mois seront difficiles pour certains de ses concurrents. «La période d'étouffement survient souvent au début de la reprise», explique-t-il.

Canam en sait quelque. Après presque 50 ans d'existence, l'entreprise fondée en Beauce est passée à travers quatre récessions. Pour celle-ci, elle était prête. «Quand l'économie va bien, il faut contrôler le petit côté maniaco qu'on a, de doubler nos dépenses, d'engager n'importe qui et de faire n'importe quelle acquisition. Puis, quand il y a une dépression, il faut contrôler cette envie de tout couper.»

Résultat, l'entreprise a pu garder 2500 des 3000 employés qu'elle comptait il y a deux ans... et n'a presque pas de dette.

Cette gestion prudente lui permet déjà d'être «en train d'acheter» non pas l'entreprise qu'il demande au père Noël, mais un petit bureau asiatique qui fait dans la modélisation, c'est-à-dire qui aide les clients à mieux planifier leurs chantiers. «Ça nous permettra d'être plus en amont dans le processus de construction.» Car Canam se présente comme «la solution pour mieux construire». Que les structures soient en acier, en aluminium, voire en bois, Groupe Canam veut jouer le rôle de chef d'orchestre qui permettra de construire plus efficacement.

À la publication de ses derniers résultats en octobre, Marcel Dutil, qui est président du conseil et chef de la direction du groupe, a clairement mis la table pour l'année qui vient: «Les quatre premiers mois de 2010 s'annoncent difficiles.»

Le fils ne renie pas le père. Mais il insiste sur le long terme. «Je n'ai jamais été aussi optimiste pour l'entreprise, dit-il. Pourtant, les six prochains mois vont être l'enfer.» Tout de suite, en voyant le journaliste noter la citation, il corrige: «Les six prochains mois vont être particulièrement difficiles.»

Difficiles, parce que la construction aux États-Unis a joliment piqué du nez, que ce soit dans les édifices à logements ou l'industriel, commercial et institutionnel. Malgré cela, des secteurs ont bien tenu la route, comme les ponts ou les grands chapiteaux.

Dans l'ensemble, Marc Dutil assure que le marché commence à bouger. «Le retour de la confiance, on le sent nous aussi.»