Les années fastes du début de la décennie ne sont plus qu'un lointain souvenir pour l'industrie québécoise de la fabrication de meubles.

Des fabricants ont dû laisser aller la moitié de leurs employés depuis le début de la décennie. Les investissements ont fondu de 50 %.

«Je pense que la croissance de l'industrie du meuble, telle qu'on l'entendait à la fin des années 1980-1990, c'est un rêve !» dit Fernand Fontaine, président du Groupe Dutailier.

Mais les fabricants croient toujours qu'il y a un avenir pour l'industrie au Québec.

«Je ne crois pas à une croissance débridée, dit M. Fontaine. Je crois plutôt à une croissance modérée, si croissance il y a, et à une stabilisation de l'industrie.»

«C'est mieux que disparaître, car l'industrie est très atomisée», ajoute-t-il. Partout au Québec se trouvent des centaines de petits et grands fabricants, et quelque 25 000 emplois à la production. «S'il fallait que ce tissu-là disparaisse, voyez-vous tout le lot de chômeurs ?» note M. Fontaine.

Guy Deveault, président du conseil des Meubles Canadel, de Louiseville, croit qu'il est toujours possible de fabriquer au Québec, «mais pas selon le modèle d'affaires d'il y a cinq ou 10 ans».

Pour s'adapter au contexte changeant, Canadel a pris le virage technologique. Elle investit sur un nouveau programme 3D pour présenter ses produits aux clients qui se font aider de designers d'intérieur. C'est une manière de trouver une niche.

«Ça nous force à entrer dans un aspect de la commercialisation auquel on ne touchait pas avant, alors qu'on vendait aux magasins et ça s'arrêtait là», dit M. Deveault.

Artopex a aussi changé son angle d'attaque du marché. «Dans les quatre ou cinq dernières années, on s'est davantage orienté vers les contrats», dit Maurice Pelletier, vice-président exécutif et copropriétaire du fabricant de mobilier de bureau.

«Nous avons maintenant des délais de livraison de 12 jours, ce qui nous a aidé à combattre ce qui vient de l'Asie.»

En contrepartie, l'horizon change. «Des plans de 5 ans ou de 10 ans, ça n'existe plus, en tous cas pas chez nous, dit M. Pelletier. On fait un plan de 90 jours et on fonce avec ça.»

Le PDG du Groupe Lacasse, François Giroux, soutient quant à lui que les fabricants de mobilier de bureau sont «relativement en santé» malgré de fortes baisses du volume de ventes, car ils ont massivement réinvesti en technologie et en design pour maintenir une pression sur les coûts.

L'après-récession, encore un défi

L'industrie du meuble a énormément changé dans les dernières années, perdant au passage quelques milliers d'emplois.

Elle changera sûrement encore.

«Des joueurs sont partis, d'autres vont partir, dit Guy Deveault, de Canadel. Il y aura une consolidation.»

Canadel vient d'ailleurs de mettre la main sur des équipements de Meubles Morigeau et Morigeau-Lépine, tombé au combat à la fin de l'année 2008.

Mais même après la crise, un autre défi, mis en veille par la récession attend l'industrie : le manque de main-d'oeuvre spécialisée.

«C'est un grand problème, dit Fernand Fontaine. On n'a pas fait la promotion nécessaire. Un peu tout le monde est responsable. Tout le monde pensait que cette industrie était moribonde et que ça ne valait pas la peine de réinvestir. On devrait retrouver la fierté de l'artisan qui fabrique un meuble. On n'a pu cette fierté-là.»