Les emplois en usine disparaissent par milliers depuis le début de l'année, et ce n'est pas fini au rythme où se gonflent les stocks et fondent les ventes des manufacturiers canadiens.

En décembre, la valeur de leurs expéditions a plongé pour le quatrième mois d'affilée, cette fois-ci de 8%, indiquait hier Statistique Canada. Il s'agit de la chute la plus forte depuis le début de cette série statistique, en 1992.

 

Ce n'est pas qu'affaire de prix, même si c'est surtout ce pourquoi peut être attribué par exemple le gros des plongeons de 18,4% de la valeur des livraisons de produits du pétrole et du charbon ou de 14,4% des métaux de première transformation.

C'est aussi affaire des volumes, comme l'illustre la chute de 15,3% des expéditions de véhicules et pièces d'automobile.

Si on fait abstraction des variations des prix, les ventes des constructeurs ont reculé de 4%, en décembre. Pour l'ensemble de 2008, elles sont en baisse pour la troisième année d'affilée. Les volumes étaient l'an dernier les plus faibles depuis la récession américaine de 2001.

«En fait, d'une année à l'autre, les ventes en volume sont en baisse depuis la fin de 2007, c'est-à-dire depuis le début de la récession américaine alors que les prix sont encore en hausse de 2% (par rapport à ceux de la fin de 2007)», fait remarquer Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

En fin d'année, la faiblesse des ventes était généralisée: 20 des 21 industries affichaient des replis, l'heureuse exception étant l'impression avec un maigre gain de 0,1%.

Évidemment, toutes les parties du pays ont écopé, à l'exception marginale de l'Île-du-Prince-Édouard, grande manufacturière comme chacun sait!

Au Québec, la valeur des ventes des fabricants a reculé de 5,3%, à hauteur de 11,5 milliards. L'agence fédérale attribue l'essentiel de ce repli aux secteurs de la pétrochimie et des métaux de première transformation. Ce serait donc surtout affaire de prix à première vue.

Le repli de 2,8% de la valeur des commandes en carnet, dont l'industrie de l'aérospatiale est responsable à elle seule de la moitié, a cependant de quoi inquiéter les Québécois.

Comme le reste des Canadiens, ils ne peuvent regarder sans sourciller l'effondrement de 12,9% de la valeur des nouvelles commandes, dont plus du tiers s'explique par l'aérospatiale. «Pareille chute déconcertante présage de nouvelles faiblesses des ventes à venir», s'inquiète Derek Holt, économiste chez Scotia Capitaux.

On comprend mieux dans pareil contexte les licenciements annoncés dernièrement par Bombardier et par Pratt&Whitney.

«C'est pas de bonnes nouvelles, insiste Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Heureusement, les délais de livraison sont assez longs ce qui laisse un coussin de quelques mois.»

«Ça laisse entendre que le secteur aéronautique est arrivé en fin de cycle, s'inquiète pour sa part M. Pinsonneault. Le secteur est moins une force pour le Québec qu'on ne l'aurait pensé il y a encore quelques mois.»

Pressentant la baisse de leurs ventes, les entreprises ont réduit leurs stocks au cours du mois. Après un premier repli de 0,8% en novembre, elles les ont diminués à nouveau de 1,9% en fin d'année. Toutefois, l'affaissement des livraisons a eu pour résultat de faire bondir de 0,9 le ratio des stocks aux ventes, un saut sans précédent. À 1,47, il s'agit d'un niveau non observé depuis 2001. Autrement dit, il faudrait aux entreprises un mois et demi pour les écouler au rythme actuel de leurs ventes

«Les entreprises vont chercher à les réduire au cours des prochains mois, explique M. Durocher. Si on vend les stocks, on produit moins.»

-18,4% PÉTROLE ET CHARBON

-14,4% MÉTAUX

-15,3% AUTOMOBILE

* Variation des livraisons manufacturières en décembre

Source : Statistique Canada