La Banque centrale américaine n'est pas pressée d'agir sur les taux d'intérêt face à une inflation faible dans une économie en bonne santé, mais elle surveille de près le Brexit et les tensions commerciales, a indiqué mardi le patron de la Fed.

Devant une commission de sénateurs, Jerome Powell a averti que l'inflation aux États-Unis allait ralentir quelque temps - surtout à cause des bas prix de l'énergie - et que c'était donc « le bon moment » pour la Fed « d'être patiente et d'attendre de voir » avant toute décision sur les taux.

« Être patient, cela veut dire que nous ne sommes pas pressés de prononcer un jugement sur tout changement de politique monétaire », a-t-il insisté lors de son traditionnel témoignage semi-annuel.

Le faible taux d'inflation constitue un argument supplémentaire plaidant en faveur d'une pause dans les hausses de taux d'intérêt, comme l'avait indiqué le Comité monétaire de la Fed (FOMC) fin janvier.

« On dirait que la Fed en a fini avec les hausses de taux pour l'instant », a conclu Andrew Hunter, économiste pour Capital Economics.  

En décembre, l'inflation mesurée par l'indice PCE n'a atteint en glissement annuel que 1,7 %, et 1,9 % sans les prix de l'énergie et de l'alimentation, a précisé M. Powell.

Pour Gregori Volokhine, gérant de portefeuille pour Meeschaert Financial Services, le patron de la Fed « persiste et signe sur la patience ». « C'est devenu une vraie ligne de conduite ! Il est désormais difficile d'imaginer une inflation qui pourrait déclencher une hausse de taux soudaine », poursuit cet expert. Il ajoute que la Fed a « réussi à retourner les attentes des marchés » qui ne craignent plus de hausse des taux.

« Courants contraires »

Si la première économie du monde va bien, l'économie mondiale, elle, est parcourue de « courants contraires » et pâtit de « la grande incertitude autour des problèmes non résolus [...] comme le Brexit ou les négociations commerciales », a prévenu M. Powell.  

« Nous allons surveiller de près comment ces questions évoluent », a-t-il promis.

Donald Trump a assuré lundi que Washington et Pékin avaient fait des progrès dans leurs négociations pour mettre fin au conflit commercial qui les oppose. Il a promis pour mars « un sommet pour signer » un accord avec son homologue chinois, Xi Jinping.

M. Powell a noté qu'en raison des incertitudes créées par ce conflit, les milieux d'affaires avaient « reporté certaines décisions » d'investissement par exemple. « Il est vraiment important d'avoir des certitudes au sujet du commerce et d'autres politiques gouvernementales », a-t-il martelé.

L'expansion économique américaine devrait cette année se poursuivre à « un rythme solide, mais plus lent » qu'en 2018 (2,3 %, selon les projections de la Fed contre près de 3 %). Interrogé sur les facteurs qui pourraient faire accélérer la croissance, M. Powell a reconnu indirectement que davantage d'immigration doperait l'activité.

« Tout se résume [...] à la croissance du taux de participation de la population au marché du travail ». « Vu le vieillissement de la population et l'immigration, cette croissance est seulement de 0,5 %. Si l'immigration est plus faible, ce rythme sera plus faible », a-t-il averti.

La Fed a aussi les yeux tournés vers l'étranger où « la croissance a ralenti dans plusieurs économies majeures, particulièrement en Chine et en Europe ».  

Le patron de la Banque centrale a par ailleurs invité les élus à résoudre « la question pressante » de la dette fédérale abyssale (22 000 milliards de dollars) qui est « sur une trajectoire intenable ».

Interrogé sur le fait de savoir si, à l'instar d'autres banques centrales comme celle d'Angleterre, la Fed surveille les impacts du changement climatique sur les banques ou l'activité économique, M. Powell a seulement confirmé que l'autorité de régulation demandait aux banques côtières d'évaluer les risques de catastrophe naturelle. « Mais c'est une question légitime », a-t-il reconnu. « On va regarder de plus près », a-t-il promis.

Sur les commentaires la veille de l'ex-présidente de la banque centrale, Janet Yellen, qui a affirmé que le président Trump ne comprenait rien à la politique économique, M. Powell a botté en touche. « Je ne ferai pas de commentaire là-dessus », a-t-il déclaré alors qu'il a été la cible de critiques virulentes de l'hôte de la Maison-Blanche quand la Fed relevait ses taux l'année dernière.