Les dirigeants de différents secteurs de l'industrie automobile américaine ont exhorté l'administration de Donald Trump, jeudi, à renoncer aux tarifs punitifs sur les importations de véhicules et de pièces aux États-Unis.

Ces dirigeants, et des responsables politiques, estiment que ces tarifs douaniers nuiraient à la compétitivité de l'industrie, feraient grimper les prix à la consommation et entraîneraient d'importantes pertes d'emplois.

Dans le cadre d'audiences publiques, jeudi à Washington, le département américain du Commerce veut déterminer si le Congrès doit recommander au président Trump d'imposer des tarifs sur la base d'une menace pour la sécurité nationale.

«Nous apprécions le désir de renforcer nos accords commerciaux afin de parvenir à des règles du jeu équitables - mais les tarifs constituent la mauvaise approche», a déclaré Jennifer Thomas, vice-présidente des affaires gouvernementales fédérales à l'Alliance (américaine) des constructeurs automobiles. «L'opposition est répandue et profonde, parce que les conséquences sont alarmantes: des tarifs plus élevés nuiront aux travailleurs, aux familles et à l'économie des Américains. En termes simples, ces tarifs constituent une taxe massive pour les consommateurs», a soutenu Mme Thomas.

Ces audiences seront suivies de près par les représentants de l'industrie de l'automobile, les élus et les économistes au Canada, où plusieurs craignent que les droits de douane ne plombent lourdement l'économie.

Les dirigeants canadiens de l'industrie automobile soutiennent que ces tarifs douaniers seraient dévastateurs pour toute l'industrie nord-américaine, hautement intégrée, et ses chaînes d'approvisionnement, et qu'ils entraîneraient des mises à pied massives des deux côtés de la frontière. Certains craignent aussi que ces tarifs américains ne nuisent à l'ensemble des économies canadienne et américaine, car les dommages collatéraux iraient bien au-delà du secteur névralgique de l'automobile, actuellement en plein essor.

Kirsten Hillman, ambassadrice adjointe du Canada aux États-Unis, devait aussi témoigner à ces audiences, jeudi, tout comme Jim Wilson, ministre du Développement économique et du Commerce de l'Ontario, province où sont concentrés les constructeurs automobiles canadiens.

Le président Donald Trump menace d'imposer des droits de douane de 25 pour cent sur les véhicules et pièces entrant aux États-Unis, dans le but de venir en aide aux travailleurs américains. Son administration soutient que pendant des décennies, les importations étrangères ont sapé l'industrie automobile américaine.

Un témoin favorable à l'enquête

Dans ses remarques préliminaires, jeudi, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré qu'il était «manifestement trop tôt pour dire» si l'enquête débouchera sur la recommandation d'imposer des tarifs basés sur la base de la sécurité nationale. «Mais le président Trump comprend à quel point l'industrie automobile américaine est indispensable», a rappelé M. Ross.

Au cours des quelques heures qui ont suivi, plus d'une vingtaine de dirigeants de l'industrie ont essayé tour à tour de faire comprendre l'importance du secteur, en exhortant l'administration Trump à renoncer aux tarifs.

Ann Wilson, de l'Association américaine des manufacturiers de moteurs et de pièces automobiles, affirme que les tarifs entraîneraient d'importantes suppressions d'emplois dans les six mois suivant leur application, et retarderaient ou élimineraient la recherche et le développement dans ce secteur. Ces tarifs pousseraient aussi les manufacturiers à délocaliser certaines de leurs activités à l'extérieur des États-Unis, afin de réduire leurs coûts de production. Tout compte fait, a-t-elle dit, ces tarifs «affaibliraient l'économie américaine».

Peter Welch, de l'Association américaine des concessionnaires automobiles, réfute l'argument selon lequel ces importations constitueraient une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Il prévient les consommateurs américains que ces tarifs feraient gonfler le prix de leurs véhicules.

Parmi tous les témoins entendus jeudi matin, un seul a exprimé son soutien à l'enquête du département américain du Commerce. Jennifer Kelly, directrice de la recherche pour le syndicat américain des Travailleurs unis de l'automobile, a plaidé que des décennies d'investissements à la baisse, ainsi que le déplacement des emplois vers des pays à salaires réduits, comme la Chine et le Mexique, ont nui aux familles et aux communautés américaines, et ont donc miné la sécurité nationale.

«Il était temps qu'une enquête approfondie soit menée sur l'impact du ralentissement de l'industrie automobile et ses conséquences pour notre sécurité nationale et notre bien-être économique», a déclaré Mme Thomas.

La syndicaliste a par ailleurs appelé à la plus grande des prudences, afin de ne pas prendre de décision qui bouleverserait une industrie mondiale très complexe. «Toute action imprudente pourrait avoir des conséquences imprévues, y compris des licenciements massifs de travailleurs américains, a-t-elle prévenu. Mais cela ne veut pas dire de rester les bras croisés.»