L'élite économique mondiale a de nouveau mis en garde jeudi à Washington contre le repli sur soi économique et la menace protectionniste à l'heure du Brexit et face à une administration Trump hostile au libre-échange.

«Le commerce a été un moteur extrêmement important de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté que nous voyons depuis 30 ans», a déclaré le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim en ouverture de l'assemblée de printemps de son institution et du FMI.

Réunis pour ce grand événement international, les ministres des Finances et banquiers centraux de 189 pays se retrouvent certes dans la capitale américaine sous un ciel économique plus clément.

La croissance mondiale a repris des couleurs, conduisant même le Fonds monétaire international à relever ses prévisions planétaires pour la première fois en deux ans. «Le printemps économique arrive», a estimé la directrice générale du Fonds, Christine Lagarde.

Les ministres des Finances du G20, qui se réunissent jeudi et vendredi à Washington, devraient sans nul doute se réjouir de cette embellie près de dix ans après la crise financière de 2007-2008.

Mais un important péril continue de planer.

Sous la bannière du «America First», l'administration Trump menace toujours d'élever des barrières douanières, de dénoncer le libre-échange et de s'en prendre à plusieurs organisations multilatérales dont l'OMC.

De l'autre côté de l'Atlantique, les délicates négociations sur le Brexit viennent de commencer dans un climat tendu entre Londres et Bruxelles. Leur issue est d'autant plus incertaine que de nouvelles élections anticipées sont désormais programmées pour le 8 juin.

Enfin, plusieurs candidats à la présidentielle française de dimanche ont fait campagne, dont la chef de file du Front national Marine Le Pen, sur un message très critique sur l'intégration européenne et la mondialisation.

Une victoire de Mme Le Pen risquerait de provoquer un «désordre majeur» et une «dislocation» de l'Union européenne, a d'ailleurs estimé Mme Lagarde, pourtant d'ordinaire très prudente quand elle s'exprime sur la France.

Frictions

Une fois encore, les grands argentiers du monde se trouvent donc contraints de défendre les bienfaits supposés de l'accélération des échanges commerciaux tout en reconnaissant qu'une plus grande attention doit être portée aux laissés pour compte.

Il ne faut pas «mettre en péril le moteur du commerce» qui a été un grand facteur de croissance, a ainsi martelé Mme Lagarde.

«Nous continuons de penser qu'une libéralisation encore plus grande du commerce, qu'une ouverture plus grande est en fait cruciale pour l'avenir du monde», a ajouté M. Kim.

Le fait qu'un pays, fut-il la première puissance économique mondiale, est tenté par un repli économique ne signifie que cet élan doit disparaître, a-t-il ajouté.

«Certains pays peuvent choisissent de se replier sur eux-mêmes (...) mais ça ne veut pas dire que tous les autres feront de même», a argumenté M. Kim.

La question risque une nouvelle fois d'agiter les débats du G20-Finances même si leurs membres --les principales économies développées et émergentes-- ont décidé cette fois de se passer d'un communiqué final qui aurait pu mettre à nu leurs divergences.

Sur l'insistance des États-Unis, le dernier communiqué en date du G20-Finances, publié à Baden-Baden (Allemagne) fin mars, avait ainsi été expurgé du traditionnel appel à éviter des mesures protectionnistes.

D'autres sujets de divergence pourraient également surgir. Ces dernières années, les grands argentiers du globe s'étaient unis pour mettre en garde contre les risques du réchauffement climatique. Mais l'administration américaine doute désormais de sa réalité et menace même de se retirer de l'accord de Paris sur les émissions de CO2.

«L'accord de Paris ne doit pas être un détail de l'Histoire», a assuré à l'AFP Pierre Moscovici, le commissaire européen à l'Économie, présent à Washington.

De potentielles frictions pourraient également surgir autour de l'Allemagne, qui préside cette année le G20 et qui est accusée par les États-Unis de profiter d'un euro sous-évalué pour faire gonfler ses excédents commerciaux.