Le futur président américain Donald Trump a effectué en Chine au moins 45 demandes d'enregistrement de ses marques, a appris l'AFP, des requêtes en cours d'examen et dont l'issue serait susceptible de violer la Constitution américaine.

Depuis son élection, M. Trump a bravé la Chine en discutant avec la présidente de Taïwan, en nommant des conseillers réputés peu disposés à l'égard de Pékin ou encore en évoquant une taxe sur les exportations chinoises.

Mais cela ne l'empêche nullement de travailler à protéger les marques «Trump» dans la deuxième économie mondiale.

L'homme d'affaires a déjà déposé au moins 72 marques en Chine, une partie seulement d'un pléthorique portefeuille de marques protégées dans le monde, pilier de la fortune du milliardaire.

En avril 2016, un an après avoir annoncé sa candidature, Donald Trump a demandé l'enregistrement en Chine de 42 autres marques, selon un décompte de l'AFP à partir de données du gouvernement chinois.

Puis trois demandes supplémentaires ont été effectuées en juin, après son obtention de l'investiture républicaine. Toutes ces demandes ont été faites en son nom propre, en utilisant l'adresse de la Trump Tower new-yorkaise.

Le processus de validation prend généralement entre 12 et 18 mois. En clair: les autorités chinoises annonceront leur décision finale bien après l'arrivée au pouvoir de M. Trump le 20 janvier.

Cette annonce pourrait alors le mettre en porte à faux avec la Constitution américaine. Car celle-ci interdit à tout président de recevoir des cadeaux ou «émoluments» de la part d'un gouvernement étranger, notent des experts, démocrates comme républicains.

Un jugement «altéré» ?

«L'octroi de marques commerciales ou de permis peut être considéré comme un privilège attribué par un gouvernement étranger», juge Robert Painter, ex-conseiller du président américain George W. Bush chargé de l'éthique.

L'ancien avocat de Barack Obama responsable des questions éthiques, Norman Eisen, renchérit: «Chacune de ces marques représente de potentiels émoluments.»

«Le souci de la Constitution, c'est d'éviter que des avantages octroyés par des puissances étrangères au président américain n'altèrent son jugement. Et des marques commerciales sont assurément en mesure de le faire.»

La Constitution ne prévoit aucune «solution particulière» en cas de violation, souligne Jay Wexler, spécialiste du droit constitutionnel à l'Université de Boston. «À mon avis, la destitution pourrait être une solution appropriée en cas d'infraction grave».

L'équipe de transition du président élu n'a pas répondu aux questions de l'AFP, pas plus qu'un avocat de la Trump Organization.

Selon Trump, sa marque vaut 3,3 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros). Elle représente donc environ un tiers de la fortune déclarée par le candidat lors de sa campagne.

La protection de sa marque en Chine lui est essentielle pour y monnayer l'utilisation du nom «Trump» sur les produits qui y sont vendus, des hôtels aux cravates.

Les marques déjà déposées par Trump dans le pays lui donnent le contrôle exclusif de son nom --en anglais et en différentes translittérations en mandarin--- dans des domaines aussi divers que l'hôtellerie et les biotechnologies, mais elles ne couvrent pas tout.

Des toilettes Trump

Selon des avocats spécialisés, les nouvelles demandes déposées en 2016 pourraient donc être une stratégie pour prévenir un «accaparement de marque».

En Chine, une marque est généralement attribuée à celui qui la demande en premier, mais pour un domaine d'activité donné. Par exemple, un fabricant chinois de... cuvettes de toilettes utilise depuis plusieurs années, en toute légalité, «Trump» comme nom de sa marque en anglais.

Le directeur général des hôtels du groupe Trump, Eric Danziger, a cependant déclaré qu'il visait des accords concernant entre 20 et 30 hôtels en Chine. L'AFP avait précédemment révélé des négociations de l'organisation Trump avec le plus gros groupe étatique chinois, State Grid.

Le président élu américain a certes assuré vouloir transmettre les rênes de son entreprise à ses enfants.

Mais «le business, c'est l'essence de Trump. On voit difficilement comment il peut s'en désengager», note Edward Lehman, juriste spécialiste du droit chinois.

Après l'élection de Donald Trump en novembre, les autorités chinoises ont d'ailleurs tranché en sa faveur un différend de propriété intellectuelle vieux de 10 ans, suscitant de vives interrogations.

À moins de vendre son entreprise, M. Trump devra faire face au débat éthique, peu importe les mesures qu'il prendra, estime Jay Wexler.

«Lorsque le président traitera avec la Chine, comment peut-on savoir s'il ne sera pas influencé par la façon dont Pékin traite ces demandes d'enregistrement de marques?»