Étouffé par une dette abyssale, l'archipel américain de Porto Rico est menacé d'un défaut de paiement chaotique le 1er janvier et d'une possible crise «humanitaire», faute d'avoir obtenu le soutien nécessaire du Congrès des États-Unis.

Surnommé la «Grèce des Caraïbes», ce territoire rattaché aux États-Unis à la fin du XIXe siècle a prévenu qu'il ne pourrait plus honorer ses obligations après plusieurs années de récession qui ont fait gonfler sa dette à quelque 72 milliards de dollars.

Un premier test se jouera dans les prochains jours où des paiements cumulés de près d'un milliard de dollars sont, en théorie, attendus.

«Nous ne serons pas en mesure de les honorer tous», a reconnu mercredi le gouverneur de Porto Rico, Alejandro Garcia Padilla, lors d'un discours dans la capitale de l'île, San Juan.

Les autorités vont toutefois limiter la casse: elles manqueront certes un paiement de quelque 36 millions de dollars, mais honoreront leurs autres engagements notamment en versant 335 millions de dollars de dette principale, espérant ainsi éviter un défaut proprement dit.

L'administration Obama, qui suit le dossier de près, a pourtant vu dans ces annonces un nouveau signe de «la gravité de la crise budgétaire» sur l'île. «Porto Rico est dans une impasse», a estimé le Trésor américain dans un communiqué.

Les fonds de pension américains, qui ont investi massivement dans les obligations porto-ricaines, sont aux aguets et se tiennent prêts à traîner Porto Rico en justice en s'appuyant sur la Constitution locale, qui garantit l'allocation prioritaire des ressources au paiement des créanciers.

M. Padilla a d'ailleurs mis en cause mercredi «les fonds spéculatifs et vautours», les accusant d'empêcher tout accord sur la restructuration de la dette.

Le risque est de voir, faute d'argent, des services essentiels cesser de fonctionner, comme ceux touchant à la sécurité publique ou l'assurance maladie.

«Mon gouvernement a la responsabilité de protéger autant que possible tous les Porto-ricains», a affirmé le gouverneur, laissant entendre que les créanciers passeraient en second.

Exode

L'administration Obama avait déjà mis en garde fin octobre contre le risque d'une «crise humanitaire» sur une île autrefois dynamique, qui s'est longtemps appuyée sur une stratégie d'industrialisation à marche forcée qui a pris fin en 2006.

Depuis, le produit intérieur brut du territoire a fondu de 10 % et près de la moitié des 3,5 millions de Porto-Ricains vit aujourd'hui dans la pauvreté.

L'émigration est au plus haut, quelque 84 000 personnes ayant quitté l'île l'année dernière, un record historique qui pourrait bientôt être dépassé.

«À moins d'une action politique constructive en 2016, l'exode des Porto-ricains vers les 50 États américains rivalisera avec celui provoqué par des tempêtes de poussière ("Dust Bowl") dans les années 1930» qui contribuèrent aux plus importantes migrations de l'histoire récente du pays, a prédit Simon Johnson, un ancien chef économiste du Fonds monétaire international.

C'est toutefois à Washington qu'un des principaux noeuds de la crise porto-ricaine devra être dénoué.

L'administration Obama a certes exclu tout renflouement de ce territoire au statut hybride, dont les habitants sont des citoyens des États-Unis, mais qui ne fait pas partie des 50 États américains.

L'exécutif pousse en revanche pour une modification législative qui offrirait à Porto Rico la possibilité de se placer sous la protection de la loi sur les faillites et de restructurer sa dette à l'abri de ses créanciers. À l'heure actuelle, seules les municipalités américaines, comme Detroit en 2013, en ont la possibilité.

La balle est dans le camp du Congrès, dominé par les républicains, qui est le seul habilité à accorder ce droit à Porto Rico, mais qui s'est abstenu de le faire dans la récente loi de compromis budgétaire 2016.

«La situation de plus en plus urgente requiert une action immédiate du Congrès», a estimé le Trésor mercredi. Mi-décembre, le chef de file des républicains au Congrès, Paul Ryan, s'était engagé à trouver une «solution responsable» d'ici à la fin mars.

Le dossier mobilise également la Cour suprême des États-Unis qui a accepté d'examiner le recours de Porto Rico contre le jugement lui interdisant d'utiliser la loi sur les faillites.