Des sénateurs américains ont dénoncé vendredi le «pantouflage» en vigueur parmi les régulateurs de la banque centrale américaine (Fed) qui jette une ombre sur sa capacité à jouer efficacement son rôle de surpervision des banques.

«Nous avons besoin de mettre un verrou sur la porte tournante», qui permet à des fonctionnaires de la Fed de quitter le service de régulation des banques pour aller ensuite travailler dans ces banques et vice-versa, a affirmé vendredi la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, membre de la commission bancaire.

«Nommer des anciens dirigeants de banques pour réguler leurs ex-collègues n'a pas marché dans le passé. On ne peut pas se doter d'un système de régulation fiable si ces portes tournantes laissent entrer d'anciens dirigeants dans le rôle de flics temporaires», a affirmé la sénatrice, bête noire de Wall Street. «On n'a pas besoin de gendarmes en congé temporaire de leurs postes bien payés à la banque», a-t-elle lancé.

Au centre de l'audition, le président de la Fed de New York William Dudley, lui-même un ancien responsable de la banque Goldman Sachs, a objecté que ce système de «pantouflage» soit à l'origine des interférences récemment décelées dans la supervision des banques.

Le service de supervision «est passé de 520 à 700 personnes et la durée moyenne de la tenue d'un poste est de neuf ans. Je ne pense donc pas que le pantouflage soit ce qui caractérise ce qui se passe à la Fed de New York», a-t-il répondu. Mais il a promis de «regarder en détail» l'efficacité des restrictions qui empêchent surveillants et surveillés de devenir trop proches.

Connivence

Confrontée à des accusations de connivence avec les grands noms de Wall Street, la Réserve fédérale américaine a annoncé, juste avant la tenue de cette audition, qu'elle allait procéder à une évaluation de ses procédures de surveillance des grandes banques. Récemment un jeune banquier de Goldman Sachs, ex-employé de la Fed, a transmis à son nouvel employeur des données confidentielles issues de la Fed avant d'être renvoyé pour cela par son nouvel employeur.

Dans une autre affaire, une ancienne employée de la Fed de New York a révélé dans des enregistrements datant de 2012 comment les régulateurs de la Fed chargés de Goldman Sachs n'ont pas osé confronter cette banque sur une transaction qu'ils considéraient «louche», même si elle était légale.

Pour David Beim, professeur à la Columbia Business School et déjà auteur d'un rapport en 2009 sur la supervision, la Fed a besoin «de davantage de penseurs indépendants. Ces gens marchent comme une armée, il y a une énorme tendance à s'en remettre à l'autorité (...), à se soumettre aux banques».

Les sénateurs ont aussi soulevé la question de la rémunération.  «Un des problèmes est que dans une agence gouvernementale comme la Fed vous être payés selon l'échelon et les années passées et non pas selon la performance», a relevé M. Beim.

«Si un régulateur est tout le temps en train de penser qu'un de ces jours il va obtenir un de ces postes (NDLR dans une banque) qui paye beaucoup mieux, ça n'aide pas (...) «, a-t-il ajouté.

D'autres experts, comme Robert Hockett, professeur de droit à Cornell Law School, ont insisté sur le fait que pour exercer une régulation efficace, la Fed avait néanmoins besoin de l'expertise de banquiers ayant l'expérience du terrain.

«Ce serait aussi une bonne idée de relever leurs salaires», a-t-il ajouté.

Le salaire de Janet Yellen, la présidente de la Fed, par exemple, ne dépasse pas 201 700 dollars annuels, selon le site de la banque centrale alors que celui d'un banquier de Wall Street peut dépasser plusieurs millions de dollars.