Zéro!

Telle est la variation du nombre de détenteurs d'emplois aux États-Unis, de juillet à août, alors qu'on en attendait en moyenne 68 000 de plus.

Le taux de chômage est resté stable au niveau très élevé de 9,1%, mais son évaluation relève d'une autre enquête, jugée moins fiable que celle menée auprès des entreprises, en raison de sa plus grande volatilité.

Les révisions apportées par le département américain du Travail montrent aussi que les très légers progrès de juillet et de juin étaient plus faibles que ce qu'on avait cru. Des rentrées tardives de données à l'enquête menée auprès des entreprises retranchent 56 000 emplois à la création de 163 000 initialement estimée.

L'enquête du mois d'août ne prend pas en compte non plus le chômage forcé des personnes touchées par l'ouragan Irene qui a balayé la côte atlantique la semaine dernière et détruit son lot de capacités de production.

Ces chiffres très décevants ont été mal accueillis sur les parquets new-yorkais dont les grands indices ont abandonné quelque 2% de leur valeur dans les minutes suivant l'annonce. La crainte d'une rechute en récession s'est de nouveau emparée des intervenants sur les marchés, malgré les chiffres de l'ISM manufacturier de jeudi qui indiquaient que la production en usines était encore en faible croissance le mois dernier. Avant Irene, les fabricants avaient déjà retranché 3000 emplois en août alors qu'ils avaient modestement embauché en juin et juillet.

Les attentes étaient pourtant modestes: on avait parié sur 95 000 emplois de plus dans le secteur privé, on en a eu 17 000 seulement. Vrai, la grève chez Verizon Communications aura retranché 47 300 postes, qui réapparaîtront dans les données de septembre puisque l'arrêt de travail a pris fin. On reste néanmoins loin du compte.

Le secteur public a quant à lui retranché 17 000 postes, surtout dans les administrations des États et des municipalités. «Les données sont décevantes, admet Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Toutefois, elles ne signalent pas non plus de débâcle du marché du travail et de l'économie et elles reflètent davantage la mollesse de la croissance.»

Cet optimisme prudent doit être tempéré par la durée moyenne de la semaine de travail qui a diminué d'un dixième, tout comme le salaire horaire moyen. De juillet à août, l'augmentation moyenne annuelle de ce dernier passe de 2,3% à 1,9%, soit moins que le taux d'inflation. C'est la plus faible depuis mars 2004.

«La paye des consommateurs pourrait s'amaigrir davantage dans quatre mois si le Congrès ne parvient pas à s'entendre sur un prolongement du congé de prélèvement de 2% sur les salaires», s'inquiète Peter Buchanan, économiste chez CIBC.

Ce congé fait partie d'un stimulus d'urgence voté pour un an en décembre par le Congrès, devant les signes d'affaiblissement que montrait déjà la reprise américaine.

C'est dans ce contexte que le président Barack Obama va présenter jeudi son plan de relance de l'emploi, au Congrès. Il aurait souhaité le faire la veille, mais la rebuffade inusitée du président de la Chambre des Représentants, le républicain John Boehner, l'a forcé à déplacer sa présentation.

Cela est de bien mauvais augure pour les négociations âpres de l'automne devant conduire à un accord bipartite au Congrès pour réduire le manque à gagner de l'État de 1500 milliards sur un horizon de 10 ans. Faute de quoi, des coupes budgétaires aveugles équivalentes entreront en vigueur dès le premier janvier 2013. «Nous sommes arrivés à un point où l'économie a désespérément besoin d'une gouverne crédible de la part du Congrès», souligne Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

Les mauvais chiffres d'août, jumelés aux querelles partisanes à Washinton ne sont pas de nature à inciter les entreprises à investir ou à embaucher tandis que le secteur public est en mode compression. «Faute de prolongement des transferts fédéraux aux États, davantage d'emplois de fonctionnaires vont être supprimés, ce qui pourrait entraîner des dommages par ricochet sur l'emploi du secteur privé», déplore Beata Caranci, économiste en chef adjointe chez TD. Elle note que 42 États et le district de Columbia doivent combler des trous budgétaires totalisant 103 milliards pour l'année fiscale en cours, amorcée le 1er juillet.