Les intervenants sur les marchés boursiers et obligataires spéculent depuis plusieurs jours sur l'annonce mardi par la Réserve fédérale américaine d'une troisième ronde d'allégement quantitatif (AQ3) dans le but de tonifier une économie des plus chancelante. L'annonce d'un abaissement de la note de crédit des États-Unis par Standard&Poors vendredi nourrira les rumeurs encore toute la journée.

Pareille initiative aurait pour effet d'affaiblir le billet vert davantage dans le but de stimuler les exportations américaines et, souhaite-t-on surtout, la création d'emplois toujours anémique.

Sans attendre la Fed, plusieurs banquiers centraux ont commencé à prendre des mesures pour contrer la trop rapide appréciation de leur monnaie et protéger leur marché du travail.

La semaine dernière, la Banque nationale de Suisse a ramené sans prévenir son taux directeur à près de zéro pour contrer la montée historique de son franc tandis que la Banque du Japon s'est lancée dans la vente massive du yen pour le faire reculer par rapport au dollar.

D'autres pays, comme le Brésil, donnent des congés fiscaux à leurs manufacturiers pour qu'ils restent compétitifs par rapport aux produits en provenance de Chine dont le renminbi est indexé au dollar américain.

Cette agitation décontenance investisseurs et spéculateurs qui ne savent plus où donner de la tête: les possibilités d'une rechute en récession des États-Unis plombent les Bourses tandis que les risques accrus d'un défaut de paiement sur la dette de quelques pays européens n'incitent guère à acheter de leurs obligations.

Ils se réfugient donc encore une fois dans les bons du Trésor américains. Ils se sont vendus très cher toute la semaine dernière, infléchissant l'échéance de deux ans à un rendement de moins de 0,3%, malgré un taux d'inflation qui flirte avec les 3%. Même le rendement réel des échéances de 10 ans est négatif.

Cette panique donne le même résultat que si la Fed assouplissait davantage: les taux baissent, mais la croissance n'augmente pas.

La deuxième ronde d'allégement quantitatif (AQ2) avait été télégraphiée en août 2010 lors du sommet annuel des banquiers centraux à Jackson Hole dans le Wyoming. Depuis décembre 2008, la Fed maintenait (et maintient toujours) son taux directeur dans une fourchette inédite de 0% à 0,25% avec des résultats décevants.

Ce n'est qu'en novembre toutefois que la Fed avait annoncé sa volonté d'acheter jusqu'à 600 milliards US de dettes américaines avant le 30 juin dernier. Cela équivalait à monétiser tout le déficit budgétaire américain créé durant cette période au cours de laquelle la valeur du billet vert s'est effritée, contre la plupart des monnaies, dont la canadienne qui se maintient depuis au-dessus de la parité.

La Fed a en outre réinvesti en «Treasuries» le principal et les intérêts des titres arrivés à échéance qu'elle détenait déjà, soit l'équivalent d'un peu plus de 100 milliards par mois.

Avec pour résultats que l'économie américaine a progressé d'à peine 0,4% au premier trimestre, de seulement 1,3% au deuxième, tandis que les premiers indicateurs du troisième ont plus de quoi inquiéter que de rassurer. Surtout que Washington se met en mode d'austérité corrosive.

La Fed a déjà indiqué que ne pas réinvestir ces quelque 100 milliards serait l'équivalent d'un resserrement monétaire.

Alors que lui reste-t-il comme options?

Selon plusieurs observateurs, elle pourrait viser l'achat de bons du Trésor de plus longue échéance, des 10 ans ou des 30 ans, afin d'en infléchir les taux, alors que l'AQ2 s'était concentrée sur les cinq et sept ans.

Elle pourrait aussi durcir son discours dans le but de souligner qu'on ne verra pas de sitôt un quelconque resserrement monétaire.

Tout cela afin de stimuler le crédit, bien que les banques préfèrent parquer une grande partie de leurs liquidités à la Fed, empruntées à bon taux sur les marchés grâce à sa prodigalité.

Rares sont ceux qui croient que les autorités monétaires pourraient décider d'abaisser demain davantage le taux d'intérêt payé aux banques sur leurs dépôts de réserves excédentaires, car l'utilité d'une telle mesure n'est pas démontrée.

L'année dernière, la Fed a lancé l'AQ2 parce que les risques de déflation perduraient. Cette fois-ci, ils paraissent peu présents.

C'est une mince consolation qui montre que les autorités monétaires s'acquittent bien d'un des deux volets de leur mandat.

Quant à l'autre, qui consiste à favoriser le plein d'emploi, le boulot à abattre paraît bien trop grand pour les munitions qui lui restent.