La crise de la dette que la classe politique américaine fait subir aux États-Unis et à ses créanciers du monde entier aura des répercussions au Canada, quel que soit son dénouement.

Le 2 août, les États-Unis auront atteint le plafond de leur dette autorisée par la loi, soit 14 300 milliards US, ou 14,3 billions US. C'est grosso modo l'équivalent de la taille de la première économie du monde.

Faute d'un relèvement de ce plafond qui fait l'objet d'âpres négociations entre la Chambre (à majorité républicaine), le Sénat (à majorité démocrate) et la Maison-Blanche, l'administration fédérale devra fermer temporairement boutique. Il lui faut emprunter en moyenne 100 milliards US par mois pour fonctionner selon le budget courant dont le déficit représente 9% du produit intérieur brut (PIB) ou 4000$US par habitant.

À la différence de la Grèce, les États-Unis n'auraient sans doute aucun problème à refinancer leur dette arrivée à échéance. Lors de l'expérience précédente d'une fermeture (durant 26 jours en 1995 et 1996 alors que Bill Clinton affrontait une majorité de représentants républicains), jamais le service de la dette n'a été interrompu.

Les investisseurs sont convaincus qu'il en serait de même cette fois-ci, comme en font foi les taux sur les swaps de défaillance, toujours plus faibles que ceux de l'Allemagne pourtant en meilleure santé économique et budgétaire que les États-Unis.

Ce n'est pourtant pas si clair, sinon comment expliquer l'exhortation du Fonds monétaire international (FMI), hier, à trouver une solution rapide à l'impasse budgétaire assortie d'un plan clair et crédible de réduction du déficit à moyen terme qui inclut réduction des dépenses et augmentation des recettes?

En fait, on ne peut présumer de la réaction des détenteurs de capitaux, car il n'existe pas de précédent où le marché le plus liquide du monde, et jugé le plus sûr, soit soumis à un risque de défaut. Qu'arriverait-il de toutes ces garanties de prêts assurées par des Bons du Trésor? Comment serait touchée la capitalisation des banques ou l'actif des caisses de retraite, grandes détentrices de la dette américaine? (Le Canada en détient pour plus de 500 milliards.) En cas de panique, le système financier vacillerait alors que les banquiers centraux sont désormais à court de munitions, tout comme les États.

En fermant boutique, Washington affaiblirait à coup sûr la croissance économique, atone depuis un an. Il aggraverait le chômage en privant de leur gagne-pain des dizaines de milliers de fonctionnaires. Vendredi, on aura une première estimation de la croissance au deuxième trimestre qui ramènera peut-être les élus les plus dogmatiques à la raison. La prévision médiane des experts est de 1,8% seulement.

La fermeture du gouvernement affaiblirait un peu plus le dollar américain par rapport aux autres monnaies, dont la nôtre qui se rapprocherait des 107, 108 cents d'équivalence, au grand dam des fabricants exportateurs déjà aux prises avec une demande anémique.

L'or ou le franc suisse, qui ont atteint des sommets hier, servent de plus en plus de valeur refuge, mais la taille de ces marchés est beaucoup trop petite pour absorber une quelconque disgrâce du billet vert.

Les investisseurs pourront se ruer sur les biens de base, tant que la croissance chinoise perdurera, ce qui dopera le huard. Mais la surchauffe immobilière là-bas en inquiète plusieurs. Elle pourrait provoquer l'effondrement des cours et un piqué de notre monnaie, comme en 2009.

On peut penser que la classe politique américaine viendra à envisager enfin la situation froidement. Et elle n'est pas simple.

Comme le FMI, les agences de notation veulent un relèvement du plafond de la dette assorti d'un plan d'austérité budgétaire. Plusieurs économistes calculent qu'un tel plan équivaudrait à une ponction d'un point de pourcentage sur la croissance pendant des années, voire la décennie.

À titre d'exemple, stabiliser la dette à 100% du PIB suppose de ramener le déficit budgétaire de 9% à 4,5% du PIB, un effort herculéen.

Si un nouveau plafond est quasi certain, la crédibilité du plan d'austérité l'est beaucoup moins. Des mesures ni chair ni poisson ne pourront qu'exercer des pressions à la hausse sur les coûts d'emprunts. Les prêteurs désabusés considéreront qu'on ne fait que pelleter le problème.

À l'opposé, la crédibilité du Canada n'en sera que grandie et sa monnaie fortifiée.

Les États-Unis pourraient aussi tolérer plus d'inflation, ce qui aurait pour effet de diminuer le poids de la dette et l'avoir de ses créanciers. Les prêteurs ne seront pas dupes longtemps: ils vont exiger des taux d'intérêt plus élevés sur les emprunts et le service de la dette s'alourdira.

En pareil cas, emprunter pour le Canada et les provinces sera forcément plus cher, concurrence oblige.

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Les effets de la crise de la dette américaine

Ce qui tend à monter

L'or

Le franc suisse, le yen, la livre sterling, le dollar canadien

Les taux sur les obligations américaines de longue échéance

Ce qui tend à baisser

Le dollar américain

Les taux sur les obligations américaines de courte échéance

Les actions