Les agences de notation sont devenues des acteurs du débat politique sur le plafond de la dette, les démocrates les utilisant comme épouvantails alors qu'elles pourraient gravement miner la présidence de Barack Obama si le pays perdait le fameux «triple A».

Alors que Standard and Poor's, Moody's et Fitch se veulent apolitiques, chaque fois qu'elles ont donné leur avis, les démocrates s'en sont saisis pour accuser les républicains de mener le pays plus près du gouffre.

Jeudi, deux minutes après l'annonce de Standard and Poor's selon laquelle elle envisageait d'abaisser la note attribuée à la dette des États-Unis, le département du Trésor affirmait que cette initiative lui donnait raison.

Cet avertissement «met de nouveau en évidence ce que le gouvernement Obama répète depuis un certain temps: que le Congrès doit agir sans délai pour éviter un défaut de paiement sur les obligations du pays et pour adopter un plan de réduction du déficit crédible qui dispose d'un soutien bipartite», disait-il.

Selon la presse américaine, avant de publier son communiqué, Standard and Poor's avait organisé une réunion avec le gouvernement pour l'informer de son intention.

Mercredi, c'était une autre agence, Moody's, qui avait lancé un avertissement du même type. Le Trésor avait parlé de «rappel opportun».

Le chef de file de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Chris Van Hollen, avait aussitôt montré les républicains du doigt: cette décision «souligne le danger qu'il y a à tenir l'économie et les emplois en otage de priorités idéologiques rigides».

«Est-ce Standard and Poor's qui invente le problème? Est-ce Moody's?», lançait-il vendredi, furieux contre ses adversaires politiques pour qui, à l'en croire, «ce n'est pas un problème si les États-Unis ne paient pas leurs factures».

Des élus républicains invoquent aussi les agences pour rappeler qu'elles considèrent une réduction du déficit comme indispensable pour conserver le «triple A», la note la plus élevée.

Ces agences refusent de prendre parti, soulignant qu'elles n'ont aucune recommandation à faire sur les meilleurs moyens de réduire le déficit budgétaire.

Mais «nous devons faire un jugement analytique sur ce qu'est la situation politique aux États-Unis», reconnaît Nikola Swann, un analyste qui travaille sur la note du pays pour Standard and Poor's.

Or, si le blocage durait au Congrès jusqu'à faire de M. Obama le président qui a perdu le «triple A», et à endommager l'activité économique, sa cote de popularité s'en ressentirait, d'après Thomas Mann, de la Brookings Institution à Washington.

«La plupart des Américains n'ont pas d'idée de ce qu'est une notation ou même le plafond de la dette. Ils pourraient reprocher aux républicains le défaut de paiement éventuel. Mais généralement, ils tiennent le président pour responsable quand l'économie va mal», déclare cet expert à l'AFP.

Pour Michael Hudson, économiste de l'université du Missouri-Kansas City, invoquer le jugement des agences de notation revient à se ranger du côté des financiers.

«Leur principal client, c'est Wall Street, et ils soutiennent les politiques financières que veut Wall Street. Leur objectif est de gagner de l'argent en agissant comme lobby pour les intérêts bancaires», explique-t-il à l'AFP.

Le Wall Street Journal attribue déjà à M. Obama une éventuelle perte du «triple A» américain, qui serait un coup dur pour la finance du pays. Dans un éditorial vendredi, le quotidien des affaires accuse «le président qui fut aux commandes de cet effondrement historique de la crédibilité budgétaire».