La Réserve fédérale américaine «va faire tout ce qu'elle peut» pour s'assurer que la reprise chancelante prenne ancrage, a déclaré hier son président Ben S. Bernanke. Il a assuré du même souffle que «les conditions préalables» à une relance de la croissance l'an prochain étaient réunies.

Cette déclaration, faite à Jackson Hole (Wyoming) au début du symposium annuel de la Fed sur la politique monétaire, était la première sortie publique de M. Bernanke depuis la publication mardi d'une enquête fouillée du Wall Street Journal. Le quotidien faisait état de grandes dissensions apparues au sein de la Fed sur la marche à suivre dans un contexte de faible croissance et de désinflation, lors de sa récente réunion du 10 août.

Plusieurs experts prédisent que l'essoufflement de la reprise, observé depuis quelques mois déjà, forcera la Fed à se remettre à racheter des titres de dettes sur le marché secondaire ou à monétiser directement une partie de la dette fédérale.

«Le Comité est prêt à des accommodements monétaires additionnels, par le biais de mesures non conventionnelles, si cela s'avère nécessaire, surtout si les perspectives devaient se détériorer significativement», a indiqué M. Bernanke. Il a cependant ajouté que «les risques de poussée non désirée de l'inflation ou d'une désinflation soutenue significative paraissent faibles».

Peu avant son discours, le département américain du Commerce avait confirmé que l'économie avait progressé moins qu'anticipé, au deuxième trimestre. Le taux de croissance annualisé a été ramené de 2,4% à 1,6%, un chiffre tout de même plus élevé que la prévision médiane (1,4%) de la soixantaine d'experts consultés par la firme Bloomberg. Au premier trimestre, le gain annualisé avait atteint 3,7%.

On savait déjà que le déficit commercial avait été sous-estimé et le restockage surestimé dans la première évaluation de la variation réelle du PIB d'avril à juin, parue il y a un mois.

On a appris aussi hier que les exportations, les dépenses de consommation et les investissements corporatifs avaient été sous-estimés tandis que l'habitation et les dépenses gouvernementales avaient été surestimées.

«Les gros joueurs ont été révisés à la hausse, souligne Jennifer Lee, économiste principale chez BMO marchés des capitaux. C'est une bonne nouvelle.»

Il n'y a pas de quoi pavoiser pour autant car les données préliminaires du troisième trimestre laissent entrevoir une croissance de l'ordre de 1% seulement, en rythme annuel, «ce qui reste de la croissance tout de même», précise Mme Lee.

Cette décélération rapide en inquiète plus d'un, à commencer par Michael Feldstein, membre du National Bureau of Economic Research (NBER). Il estime à une chance sur trois la rechute de l'économie en mode décroissance. Le NBER est l'organisme indépendant qui fixe le début et la fin d'une récession aux États-Unis. La dernière a commencé en décembre 2007, mais le NBER ne l'a pas encore déclaré terminée.

Tout en se montrant prêt à agir, M. Bernanke a rappelé que «les banquiers centraux ne peuvent à eux seuls résoudre les problèmes économiques du monde».

Il a surtout sous-pesé les avantages et inconvénients de trois flèches toujours dans son carquois.

La plus évoquée, l'assouplissement quantitatif (AQ), est surtout efficace dans un contexte d'assèchement du crédit et de stress financier, comme l'ont montré les différents programmes lancés en 2008 et 2009. Ils sont venus à terme ce printemps, mais la Fed a décidé le 10 août de racheter des Treasuries avec le produit des titres de crédit qu'elle détient et qui sont venus à échéance. Cela équivaut à maintenir intégralement l'AQ qui aurait normalement dû s'atténuer.

La deuxième, c'est la clarification du message. Jusqu'ici, la Fed parle de taux exceptionnellement faibles «pour une période prolongée». Il n'est pas évident qu'elle pourrait faire mieux sans se lier les mains.

Enfin, elle pourrait abaisser le rendement consenti aux banques sur les réserves excédentaires qu'elles lui confient, mais M. Bernanke y voit peu d'avantages.

«Si les choses devaient empirer, le scénario le plus probable semble l'assouplissement quantitatif accru», prédit James Marple, économiste principale à la Banque TD.

Le débat survenu le 10 août au sein de la Fed laisse croire toutefois que la conjoncture devra se détériorer encore beaucoup, et en particulier le risque de déflation, pour convaincre tous ses membres qu'il faut en arriver là.