Inland Empire est une région aride de 70 000 km2 située dans le sud de la Californie, entre Los Angeles et l'Arizona. Durant le boom économique, l'endroit, qui compte 4 millions d'habitants, offrait le marché de l'emploi le plus dynamique au pays. Aujourd'hui, c'est le désastre: l'Inland Empire est la région la plus touchée par la crise économique, après Detroit, rapporte notre correspondant.

Les stops n'arrêtent personne. Les lampadaires n'éclairent plus. L'herbe pousse dans la rue. Les trottoirs ne mènent nulle part.

Le plus récent quartier résidentiel de Victorville est une plaine désertique.

Il y avait des maisons neuves ici, 16 en tout. Le projet a été arrêté en 2008. Puis, la Ville a imposé une pénalité quotidienne au constructeur, pour le forcer à finir les maisons. Le constructeur a fait venir des pelles mécaniques.

«Ça a pris trois ou quatre jours, se souvient Clayte Stewart, résidant du secteur. Les maisons sont tombées comme des jouets d'enfants.»

En regardant à travers le grillage qui ceinture le quartier fantôme, on peut encore voir les bornes d'incendie neuves. Les noms des rues. Les entrées de garage en asphalte noir, cuites par le soleil.

Victorville est une agglomération de 110 000 habitants, une banlieue au milieu du désert. Il faut une heure et demie pour aller à Los Angeles. Trois heures pour aller à Las Vegas. Il faut mettre l'air conditionné 10 mois sur 12, aimer magasiner dans des grandes surfaces et manger dans des restaurants éclairés au néon.

Durant le boom économique, les investisseurs et les visionnaires vendaient le rêve d'une communauté de la classe moyenne dans l'Inland Empire, nom donné à l'immense région comptant 4 millions de personnes située entre L.A. et l'Arizona.

Les promoteurs vantaient les bonnes écoles, les logements abordables, le faible taux de criminalité, le ciel bleu toute l'année. Des projets immobiliers avec des noms évocateurs comme «Tuscany», «Brentwood», et «Sierras» ont trouvé des milliers d'acheteurs avant même la première pelletée de terre.

En 2006, la région attirait les travailleurs à un rythme record. Le taux de chômage oscillait autour de 4,2%, ce qui en faisait l'un des plus bas aux États-Unis. Le prix médian d'une maison neuve était de 332 000$. Une aubaine, affirmaient les experts.

«Nous sommes à l'aube d'une période d'expansion de l'emploi extrêmement vigoureuse, affirmait, en juillet 2006, John Husing, docteur en économie et résidant de la région. En 42 ans passés à étudier l'économie locale, je n'ai jamais vu des conditions aussi dynamiques.»

Près de quatre ans plus tard, M. Husing ne fait plus de prédictions. Le prix médian des maisons a chuté à 120 000$. Plus de 160 000 emplois ont disparu. Le long des autoroutes, des dizaines de centres commerciaux neufs sont vides. Starbucks a fermé 22 succursales dans l'Inland Empire en 2009. L'entreprise prévoit en fermer davantage cette année.

L'Inland Empire a désormais la triste distinction d'être la région de plus de 1 million d'habitants la plus touchée par la crise économique après Detroit. En mars, 15,1% de la population était au chômage, contre 15,3% dans la région métropolitaine de Detroit.

Retourner chez sa mère

Clayte Stewart fume une cigarette dans le stationnement d'un petit centre commercial pendant que sa femme achète des provisions.

Né en banlieue de Los Angeles, M. Stewart est arrivé à Victorville en 2005, pour être instantanément embauché par une entreprise de construction. En 2008, il a été remercié. Près de deux ans plus tard, il est toujours sans emploi.

«C'est dur, dit-il. Je ne sais pas ce que je vais devenir.»

En 2006, il a acheté une petite maison dans un nouveau quartier. La maison a perdu beaucoup de valeur. M. Stewart a cessé de faire les paiements d'hypothèque il y a plus de six mois. Il dit s'attendre à être expulsé à tout moment. «Nous allons peut-être devoir aller vivre chez ma mère», laisse tomber l'homme de 29 ans.

Jason Hasty, agent immobilier à Victorville, est familier avec cette histoire: c'est ce qui rend sa vie difficile.

Le prix des maisons a tellement chuté, dit-il, que bien des acheteurs sont maintenant prêts à faire une offre. «Mais il y a très peu de maisons sur le marché. Les gens ne paient plus leur hypothèque, mais les banques ne reprennent pas les maisons. Sinon, des quartiers entiers seraient en reprise bancaire, et les banques essuieraient des pertes majeures.»

Selon lui, ce n'est qu'une question de temps avant que les milliers de maisons beiges uniformes qui serpentent jusqu'à l'horizon ne soient récupérées par les banques. «Ça va arriver un jour ou l'autre. Et ça va donner un autre coup dur à la région.»

Sans précédent

À Victorville, les seules entreprises qui émergent ces jours-ci semblent être les magasins à tout pour un dollar, les sociétés de crédit et les bureaux d'avocats spécialisés en faillite

De plus en plus, des maisons abandonnées en périphérie de la ville servent au crime organisé. Plusieurs laboratoires clandestins de crystal meth, drogue bon marché et dévastatrice, ont été démantelés par la police cette année. Les fusillades sont plus nombreuses qu'avant.

Deanna Ooley, qui a passé sa vie à Victorville, est triste de voir ce que la ville est devenue.

«Les crimes sont en hausse, dit-elle. Il y a des gangs qui contrôlent certains quartiers. Il n'y avait jamais de violence ici avant. Aujourd'hui, il y a des endroits où je n'irais pas me promener le soir.»

Le salon de coiffure qu'elle exploite, Charlie's Barbershop, a vu son chiffre d'affaires chuter de 50% depuis l'an dernier. Elle a dû mettre des employés de longue date à la porte.

«Si nous sommes chanceux, l'économie va rester au même niveau pendant des années, dit-elle. Mais je ne pense pas que ça va se produire. Je pense qu'on n'a pas encore vu le fond du baril.»

 

INLAND EMPIRE

Population

4 millions de personnes (2007)

Territoire

70 000 km2

Taux de chômage

15,1%

Revenu familial médian à Victorville

36 187$

Source: Census Bureau Data