Bernard Madoff s'est réveillé dans une cellule à Manhattan vendredi au lieu de son luxueux appartement, et ses victimes attendent à présent que les enquêteurs dénichent des complices et un peu de leur argent d'ici la sentence du 16 juin.

Le financier américain de 70 ans, qui a reconnu jeudi au tribunal avoir orchestré une fraude massive et a plaidé coupable de 11 chefs d'inculpation, est désormais matricule 61727-054 au Centre correctionnel métropolitain, qui jouxte le tribunal fédéral.

Plusieurs tabloïds publient en Une une photo de cellule semblable à celle de l'homme d'affaires déchu, de 5,5 mètres carrés, équipée de deux lits étroits superposés, d'une petite table, d'un tabouret et d'une fenêtre à barreaux. Les journaux précisent que les toilettes sont dans la cellule.

L'emploi du temps est strict: réveil à 6h00, déjeuner à 11h00 et dîner à 17h00, le détenu a droit à une récréation par jour, durant laquelle il peut jouer au ping-pong, regarder la télévision ou lire, selon l'administration pénitentiaire citée par le quotidien Métro. Une promenade sur une terrasse grillagée a lieu un jour sur deux.

Depuis son arrestation le 11 décembre dernier, l'ancien roi du Nasdaq (la Bourse électronique), qui a grugé institutions caritatives, individus fortunés, universités et banques à travers le monde, avait réussi à rester dans son appartement dans l'Upper East Side (nord est de Manhattan), dont la valeur estimée à 7 millions de dollars servait de caution à son maintien en liberté surveillée, avec d'autres biens.

Après que lui et son épouse Ruth avaient remis leurs passeports aux autorités et que «Bernie» Madoff avait été équipé d'un bracelet électronique de surveillance, il y avait été assigné à résidence 24 heures sur 24 en janvier, et l'appartement était gardé jour et nuit.

Son avocat Ira Lee Sorkin a tenté en vain de convaincre que son client ne pouvait ni fuir ni nuire. Le juge Denny Chin a ordonné l'incarcération immédiate, une décision qui s'imposait selon les victimes présentes, mais qui va compliquer la tâche des enquêteurs d'ici à la sentence, dont l'énoncé est prévu pour le 16 juin prochain.

Certaines victimes ont déploré l'absence de procès, le fait de plaider coupable aux Etats-Unis évitant à un accusé de comparaître devant un grand jury. «Juge, vous aviez une occasion de trouver notre argent», a lancé jeudi à la barre Ronnie Sue Ambrosino, qui préside un groupe d'environ 300 victimes de Madoff.

«Nous voulons un procès, nous voulons entendre les victimes, mais nous voulons aussi savoir où est notre argent!», s'est-elle exclamée.

Non seulement l'absence de procès va empêcher d'entendre des témoignages précieux, mais il apparaît évident que Bernard Madoff a refusé de collaborer avec les enquêteurs, selon certains pour préserver son épouse et ses fils Andrew et Mark. Il est jusqu'ici le seul accusé dans l'affaire.

Le procureur Marc Litt avait signalé qu'il n'aurait aucune clémence, qu'il n'y avait eu aucune négociation avec Madoff et qu'il allait requérir le maximum des peines cumulées, soit 150 ans de prison. Devant le tribunal, il a confirmé cette ligne dure, alors que des commentateurs avaient suggéré ces derniers mois que le financier pourrait collaborer à l'enquête en échange d'une peine moins lourde.

«Il n'a aucun remords, c'est un salaud et il y a certainement d'autres personnes impliquées, ne serait-ce que la SEC --le gendarme boursier américain-- qui aurait dû être jugée en même temps que lui, mais aussi sa femme et ses fils», s'est exclamée Judith Welling, une retraitée new-yorkaise.