Les cours du pétrole ont nettement baissé lundi dans un marché s'interrogeant encore sur les conséquences des vastes incendies au Canada et sur la désignation d'un nouveau ministre saoudien du Pétrole.

Le cours du baril de référence (WTI) pour livraison en juin a perdu 1,22 dollar à 43,44 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex).

À Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a perdu 1,74 dollar à 43,63 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE).

«On dirait que les incendies canadiens n'ont pas porté de dégâts conséquents aux installations de production», a mis en avant Kyle Cooper, de IAF Advisors. «Dès que les incendies seront contenus, le secteur devrait vite pouvoir se remettre au travail.»

L'heure est au premier bilan dans la province de l'Alberta après plus d'une semaine de feux de forêt dévastateurs, qui freinent leur avancée lundi, et les observateurs estiment qu'ils devraient avoir diminué d'un million de barils par jour la production locale.

Toutefois, même si les compagnies pétrolières devraient mettre plusieurs jours à revenir à la normale, «on sait que les infrastructures pétrolières ont enregistré peu de dégâts dans la région», a rapporté dans une note Matt Smith, de ClipperData, remarquant que seule l'entreprise Nexen, filiale d'un groupe public chinois, avait fait état de sinistres - d'ailleurs mineurs.

Face à l'apaisement de ces inquiétudes, de nature à soutenir les cours, le marché pétrolier se trouvait privé d'un précieux soutien face à un contexte mondial toujours défavorable de surabondance d'or noir.

Même quand les incendies faisaient rage, «le marché n'a pu se relancer, ce qui souligne à quel point il était peut-être déjà trop haut, et donc exposé à un rééquilibrage en baisse», a écrit Tim Evans, de Citi.

Les cours ont déjà fini la semaine dernière par leur première baisse hebdomadaire après plus d'un mois de rebond, dont l'ampleur avait surpris les observateurs, étant donné que l'actualité reste peu engageante à travers le monde pour le marché pétrolier.

Consolidation saoudienne

Sur le plan international, les investisseurs essayent d'ailleurs difficilement de tirer des conclusions du départ d'Ali al-Nouaïmi, ministre saoudien du Pétrole depuis plus de vingt ans, et de son remplacement par le directeur général du géant public pétrolier Aramco, Khaled al-Faleh.

Annoncé lors du week-end, ce remaniement «a provoqué des conclusions très diverses» chez les observateurs, s'est amusé M. Smith, concluant qu'il n'y avait «pas grand-chose à en tirer».

Certains analystes interprétaient le départ de M. Nouaïmi, jugé comme l'artisan du tournant stratégique engagé en 2014 par Riyad en renonçant à abaisser sa production, comme un désaveu de cette politique, qui a abouti à un repli durable des cours sans exclure massivement du marché des concurrents de l'Arabie saoudite comme les nouveaux producteurs américains de pétrole de schiste.

D'autres, comme M. Smith, estimaient que ce remaniement n'avait rien de surprenant vu l'âge avancé de M. Nouaïmi, octogénaire cette année, tout en s'accordant sur le fait qu'il marquait une consolidation du pouvoir de l'influant numéro trois du régime, le vice prince héritier Mohamed ben Salmane.

«Cette mesure va probablement renforcer la direction actuellement prise par l'Arabie saoudite, qui cherche à défendre sa part du marché pétrolier quand bien même elle essaie de restructurer toute son économie», a conclu M. Evans. «Faleh n'aurait pas été nommé s'il ne soutenait pas pleinement cette position.»

L'économie résiste, dit le FMI

Le Canada a bien réagi au choc des cours du pétrole jusqu'à maintenant, mais la banque centrale et le gouvernement fédéral doivent être prêts à en faire plus si cela devient nécessaire, a conclu lundi une analyse du Fonds monétaire international (FMI).

Selon la responsable de l'organisme pour l'évaluation annuelle de la performance économique du Canada, Cheng Hoon Lim, il est encore trop tôt pour calculer quel impact aura l'énorme incendie qui fait des ravages en Alberta et a rasé une partie de la ville de Fort McMurray.

«Nous avons besoin de voir l'étendue des dommages causés à l'industrie des sables bitumineux», a fait valoir Mme Lim lors d'une conférence téléphonique depuis Washington.

Malgré tout, les efforts de reconstruction en Alberta vont vraisemblablement apporter «un soutien positif à la consommation et aux investissements», a-t-elle ajouté.

Mme Lim croit aussi que la Banque du Canada a la marge de manoeuvre nécessaire pour assouplir sa politique monétaire et stimuler l'économie. Son taux d'intérêt directeur est actuellement à 0,5 pour cent.

«Mais pour que la Banque du Canada se tourne vers des politiques monétaires non conventionnelles, elle devra voir un autre gros choc nuire à l'économie canadienne - et nous croyons que la probabilité que cela se produise est très faible, pour l'instant», a-t-elle affirmé.

Parmi les risques mondiaux identifiés par le FMI se trouve la faiblesse des prix du pétrole, ainsi que celle du commerce et des investissements.

«Sur la scène nationale, le haut niveau d'endettement des ménages et le marché de l'habitation sont toujours les vulnérabilités les plus importantes», a estimé Mme Lim. «Nous nous attendons à voir les taux de défaillance grimper graduellement, même s'ils commenceraient à le faire à partir de très bas niveaux.»

Selon le groupe, le ralentissement a ravivé les inquiétudes entourant le niveau d'endettement des ménages canadiens et l'écart entre les marchés de l'habitation à prix élevés, comme ceux de Vancouver et Toronto, et ceux des autres régions du pays.

Le FMI juge en outre que la politique de faibles taux d'intérêt de la Banque du Canada et le plan du gouvernement fédéral d'augmenter des dépenses en infrastructures sont appropriés compte tenu du besoin de soutien de la croissance économique à moyen terme.

Mais l'agence intergouvernementales établie à Washington croit aussi que le moment serait bon pour tenter de d'améliorer la productivité du Canada, qui reste plus lente que celle de ses pairs.

Le FMI recommande notamment aux libéraux d'adopter une approche plus ciblée pour leur nouvelle allocation canadienne pour enfants, afin qu'elle permette à un plus grand nombre de femmes de gagner le marché du travail.

Mme Lim a fait valoir que les recherches effectuées par le FMI au Canada et ailleurs avaient démontré que l'implication des femmes sur le marché du travail avait un impact positif statistiquement significatif sur la productivité.

- Avec La Presse Canadienne