L'Union européenne (UE) devrait mettre fin mardi au suspense entourant la fusion GE-Alstom: la Commission va donner son feu vert à cette opération à 12 milliards d'euros après avoir obtenu des concessions jugées satisfaisantes du conglomérat américain.

Plus d'un an après son annonce, la Commission, gardienne de la concurrence en Europe, a finalement décidé d'approuver ce mariage déjà validé par le gouvernement français et les conseils d'administration des deux entreprises, a indiqué lundi à l'AFP une source proche du dossier ayant requis l'anonymat.

La Commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager devrait donner mardi une conférence de presse pour expliquer les raisons ayant motivé cette décision positive, selon la source. Elle devrait notamment énoncer les différents «remèdes» (concessions) promis par GE pour éviter des distorsions de concurrence éventuelle.

Contactés par l'AFP, la Commission, GE et Alstom n'ont pas souhaité commenter.

Signes des tensions entourant ce dossier sensible et surveillé notamment de près par Paris, la Commission avait repoussé par deux fois sa décision.

En février dernier, l'UE avait décidé d'approfondir son enquête (dite «de phase 2» dans le jargon bruxellois) sur l'opération, en invoquant notamment une possible réduction de la concurrence dans les turbines à gaz de haute puissance, principalement utilisées dans les centrales électriques.

Ses craintes portaient sur le marché de l'entretien ou de la maintenance de ces turbines, au moment où la fabrication patine.

Aujourd'hui, GE détient 50 % de ce marché, suivi par Siemens (un peu plus de 23 %), le japonais Mitsubishi Hitachi Power Systems (MHPS) arrive ensuite avec 13 %. Alstom (7 %) et l'italien Ansaldo Energia(3 %) en sont aussi les principaux acteurs.

Pour le groupe américain, cette activité, très rentable, est un «avantage compétitif» et est au coeur des synergies que va générer la fusion avec Alstom.

Victoire

Au total, GE voit des économies potentielles de 3 milliards de dollars, ce qui l'a d'ailleurs conduit à prévoir un doublement de ses bénéfices entre 2016 et 2018. Le groupe américain a pris en outre des engagements auprès du gouvernement français dont la création d'un millier d'emplois.

GE n'a eu de cesse de répéter qu'il n'accepterait pas de faire des concessions altérant l'intérêt économique de l'opération.

Mais devant la détermination de Bruxelles, GE aurait infléchi sa position non sans demander à Alstom de partager l'effort. Le groupe français a consenti fin juillet à réduire de 300 millions d'euros le prix de la transaction.

GE aurait finalement accepté de céder des actifs dans les services de maintenance et des brevets au groupe italien Ansaldo Energie SpA, selon des sources proches du dossier confirmant des informations de presse.

Si le plus dur semble avoir été fait, le casse-tête réglementaire n'est pas pour autant terminé pour le conglomérat américain qui doit encore obtenir le feu vert des autorités dans différents pays, dont les États-Unis.

En attendant, l'approbation de l'UE est une victoire personnelle pour le PDG Jeffrey Immelt, 59 ans, lequel a fait d'Alstom une pièce maîtresse du nouveau GE.

Neuvième patron de l'histoire du conglomérat américain, M. Immelt a succédé au charismatique Jack Welch à la tête de GE en septembre 2001.

Il a entrepris de recentrer la société de Fairfield (Connecticut, est) sur ses racines industrielles, en renforçant les activités de fabrication des équipements destinés à l'aéronautique, à la production d'électricité, les équipements pour le bâtiment, le transport et la santé. Ces activités devraient représenter plus de 90 % des bénéfices de l'entreprise après 2017, contre 58 % l'an dernier.

Jeffrey Immelt évite aussi par la même occasion une répétition du scénario catastrophe de 2001. À l'époque, le projet d'acquisition par GE de son compatriote Honeywell, pour 42 milliards de dollars, avait été bloqué par les régulateurs européens.