L'industrie minière a poussé un soupir de soulagement au lendemain de l'échec de la réforme minière de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet.

À l'occasion d'un colloque organisé hier par le cabinet d'avocats Fasken Martineau, les représentants d'entreprises minières ne se sont pas gênés pour décrier le projet de loi 43, pourtant défait la veille par l'opposition à l'Assemblée nationale. À leurs yeux, cette troisième tentative de réforme en autant d'années ne pouvait que nuire à l'industrie, déjà mise à mal par le ralentissement économique mondial.

Éric Tétrault, porte-parole d'ArcelorMittal Mines Canada, y est allé d'une métaphore de football. «Après trois essais, c'est le temps de passer à autre chose», a-t-il lancé.

«Nous vivons très bien avec l'actuelle Loi sur les mines, a-t-il ajouté. Nous ne voyons pas la nécessité d'une réforme majeure. Ça crée inutilement de l'incertitude.» Selon lui, la réforme péquiste a été perçue par les investisseurs étrangers comme une «quasi-nationalisation» des ressources.

Deux irritants

Deux aspects du projet de loi horripilaient particulièrement l'industrie: l'obligation pour les promoteurs d'un projet d'exploitation minière de réaliser une étude économique sur la possibilité d'effectuer de la transformation de métaux au Québec et les nombreux pouvoirs discrétionnaires conférés à la ministre.

M. Tétrault a indiqué qu'ArcelorMittal a songé à agrandir son aciérie de Contrecoeur au coût de 500 millions, mais que le projet n'est pas allé de l'avant en raison de l'éloignement des marchés en croissance, qui sont principalement situés en Asie. «On ne peut pas forcer la transformation s'il n'y a pas de marché», a-t-il affirmé

Guy Bourassa, PDG de Nemaska Lithium, et Guy Hébert, PDG de la firme d'exploration uranifère Strateco, ont tous deux déploré les effets de l'incertitude réglementaire actuelle sur l'image du Québec à l'étranger. «Ça va se chiffrer en milliards de dollars», a estimé M. Hébert.

Voix discordantes

Tous ne sont toutefois pas allergiques au flottement actuel. «Les minières sont habituées à vivre dans l'incertitude. Je préfère ça à la certitude néfaste qu'aurait apportée le projet de loi 43», a glissé Philippe Cloutier, président de l'Association de l'exploration minérale du Québec.

M. Cloutier a toutefois tenu à mettre en perspective les mouvements de contestation que l'on observe au Québec depuis quelques années. «La montée du nationalisme lié aux ressources naturelles, c'est un phénomène mondial», a-t-il souligné.

Les libéraux ont fait mal

Christian Provencher, vice-président d'Agnico Eagle, a par ailleurs remis les pendules à l'heure en soutenant que ce n'est pas la récente hausse des redevances décrétée par le gouvernement péquiste qui fera le plus mal aux sociétés minières, mais celle instaurée en 2010 par les libéraux. Il faut dire que le PQ a beaucoup moins augmenté les redevances qu'il ne l'avait promis en campagne électorale.

Les représentants de l'industrie ne se font pas d'illusions: Québec déposera tôt ou tard un nouveau projet de réforme. «Je pensais que c'était jamais deux sans trois, mais finalement c'est jamais trois sans quatre», a ironisé M. Provencher.

Pour rallier le gouvernement à la cause de l'industrie, Bryan Coates, chef de la direction financière d'Osisko, a suggéré à ses collègues de «reprendre le bâton du pèlerin».

De son côté, la coalition Québec meilleure mine a qualifié d'«irresponsable» le rejet de la réforme par l'opposition. «Le Québec a besoin d'une nouvelle Loi sur les mines et ce troisième projet de loi faisait largement consensus, même dans les régions minières», a dit Ugo Lapointe, porte-parole du groupe de pression.