Mike Botha et sa famille sont des rescapés. Leur jeune entreprise de 10 employés, établie à Prince Albert, en Saskatchewan, est l'une des deux seules sociétés de taille de diamant au Canada à avoir survécu à la récession de 2008. Embee Diamonds se tire bien d'affaire aujourd'hui en offrant de nouveaux styles de coupe.

> Suivez Hugo Fontaine sur Twitter

Quand le rêve du diamant canadien est né dans les années 1900, on imaginait par contre une industrie de la taille beaucoup plus florissante, du moins en matière de quantité. Rapidement, les gouvernements ont voulu maximiser les retombées du potentiel diamantifère national en facilitant l'établissement de tailleries pour les précieuses pierres.

Force est de constater aujourd'hui qu'il n'est pas facile de concurrencer les chefs de file mondiaux que sont l'Inde, la Chine et le Vietnam, même si les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et de l'Ontario obligent les minières à réserver 10% de leur production aux tailleries de leur territoire. S'il s'est établi comme un des plus importants producteurs mondiaux, le Canada devra vraisemblablement se contenter d'une simple niche dans le secteur de la taille.

La crise financière de 2008 a forcé la fermeture de trois des quatre établissements de Yellowknife, jusqu'alors capitale canadienne du diamant. La seule taillerie québécoise, sise à Matane, a également fait les frais de l'effondrement de la demande mondiale.

La concurrence indienne

«Les coûts de main-d'oeuvre augmentent beaucoup les coûts d'exploitation par rapport à l'Inde et à la Chine, explique Pierre Leblanc, consultant spécialisé dans le secteur du diamant. En Inde, le coût de la taille d'un diamant est de 25 à 30$US par carat. Au Canada, il est de 100 à 150$ le carat.»

L'Inde taille environ 90% des diamants de la planète, estime M. Leblanc, et son industrie rassemble entre 800 000 et 850 000 personnes. Au Canada, ils sont quelques dizaines.

«Les tailleries canadiennes survivent encore, car elles reçoivent des pierres à valeur élevée, observe Pierre Leblanc. Il faut absolument que la qualité soit au rendez-vous.» Plus la qualité de la pierre est importante, plus le coût relatif de la main-d'oeuvre diminue.

Dans ce contexte, HRA affirme pouvoir tirer son épingle du jeu. «On a créé un modèle d'affaires où l'innovation et les techniques utilisées font qu'on peut être compétitifs, soutient Dylan Dix, directeur du marketing mondial. Nous fonctionnons sur la base de commandes, ce qui assure des opérations plus rapides entre l'achat du diamant brut et la vente du diamant poli. Cela réduit donc les coûts de financement.»

L'appartenance n'est pas à négliger non plus, estime M. Dix. «Pour exploiter une taillerie dans un environnement de coûts élevés, le fait d'être une société locale nous donne aussi une plus grande volonté. Pour nous, ç'a du sens d'avoir des tailleries ici. Pour les sociétés étrangères, c'est cher, c'est loin, c'est plus difficile à exploiter et à contrôler, il n'y a pas d'incitatif pour elles à être au Canada.»

Diamants 100% canadiens

Chez Embee Diamonds, on mise sur l'originalité des coupes pour assurer son succès. Mike Botha, qui taille le diamant depuis 45 ans, s'y est établi en 2007, juste avant la crise. Son atelier produit aujourd'hui une gamme de diamants à la coupe originale (Sirius Star), qui se décline en versions de 80, 88 et 100 facettes.

«Si on taillait la même coupe traditionnelle que tout le monde (rond brillant), nous n'aurions pas une niche unique et spécialisée», note Evert Botha, fils de Mike et directeur du développement des affaires dans l'entreprise.

Embee Diamonds ne taille que des diamants canadiens provenant de la mine Ekati. «On veut une marque 100% canadienne pour nos clients et consommateurs, affirme Evert Botha. Nos diamants sont minés, dessinés, coupés et polis au Canada par des citoyens canadiens. C'est attrayant pour les clients, tant au Canada qu'aux États-Unis.»

Pour Evert Botha, l'habileté dans le métier est une composante essentielle du succès d'une taillerie au Canada. «Quand l'industrie a explosé au tournant des années 2000, le Canada a dû importer la main-d'oeuvre tout en formant des tailleurs et polisseurs. Mais ça prend de cinq à dix ans pour être vraiment compétent.» La récession est arrivée trop tôt pour plusieurs tailleries canadiennes.

Embee Diamonds, de son côté, est née pendant la récession. En Saskatchewan, elle profite de coûts d'exploitation moins élevés qu'à Yellowknife. L'entreprise espère que la société Shore Gold annoncera dans les prochains mois la construction de la première mine de diamants de la province. Elle serait située à 60 kilomètres de Prince Albert, ce qui explique notamment le choix de Mike Botha de s'établir dans la ville de 35 000 habitants il y a quatre ans.

--------------

EXPLORATION EN BAISSE AU QUÉBEC

Pour l'instant, l'avenir diamantifère du Québec repose presque entièrement sur le projet Renard, de Stornoway Diamond Corporation (dont Investissement Québec détient 37% des actions). Après une explosion dans la foulée du gisement Renard, en 2001, la part des dépenses d'exploration minière consacrées à la pierre précieuse a fortement diminué depuis 2003. Elle représentait alors 14% de toutes les dépenses d'exploration, contre seulement 3,7% en 2010 (17,8 millions).

---------------

ÉVALUATION GOUVERNEMENTALE POUR LES PIERRES PRÉCIEUSES

Le Québec se prépare déjà à devenir une province productrice de diamants. Il a récemment inclus dans sa Loi sur l'impôt minier des dispositions particulières pour une éventuelle mine. Les redevances seraient les mêmes que pour d'autres substances (16% des profits), mais un mécanisme d'évaluation gouvernemental aux frais des sociétés minières permettrait de confirmer la valeur réelle des pierres vendues. Rappelons que le diamant n'a pas de cours officiel.

----------------

LA PRODUCTION CANADIENNE EN CHIFFRES (2010)

- 11,8 millions de carats

- Valeur de 2,3 milliards US

- 21,6% de la production mondiale en valeur

- Troisième producteur mondial en valeur, derrière le Botswana et la Russie

- Valeur moyenne de 195,30$US par carat (moyenne mondiale de 90,13$US)

- 4000 emplois directs et indirects (2009)

Source: Processus de Kimberley

----------------

MINES

Ekati

Territoires du Nord-Ouest

- Début des activités: 1998

- Structure: BHP Billiton (80%), Chuck Fipke (10%), Stewart Blusson (10%)

- Mine souterraine et à ciel ouvert

- Production de 4,2 millions de carats en 2009

Diavik

Territoires du Nord-Ouest

- Début des activités: 2003

- Mine souterraine et à ciel ouvert

- Structure: Rio Tinto (60%), Harry Winston Diamond Corporation (40%)

- Production de 5,6 millions de carats en 2009

Snap Lake

Territoires du Nord-Ouest

- Début des activités: 2007

- Mine souterraine

- Structure: De Beers (100%)

- Production de 440 000 carats en 2009, en route vers une capacité de production de 1,4 million de carats par année

Victor

Ontario

- Début des activités: 2007

- Mine à ciel ouvert

- Structure: De Beers (100%)

- Production de 696 000 carats en 2009, mais Victor est l'une des mines les plus riches du monde en matière de valeur par carat

Source: Annuaire des minéraux du Canada 2009

----------------

AUTRES PROJETS

Gahcho Kué

Mountain Province Diamonds et De Beers, Territoires du Nord-Ouest

Renard

Stornoway Diamond Corporation, Québec

Star Diamond et Fort-à-la-Corne

Shore Gold, Saskatchewan

Jericho

Shear Minerals, Nunavut

La mine Jericho a été en exploitation de 2006 à 2008.

Chidliak

BHP Billiton et Peregrine Diamonds, Nunavut

----------------

TAILLERIES

HRA-SunDiamond

Vancouver

HRA-SunDiamond

Yellowknife

HRA-SunDiamond

Sudbury

Embee Diamonds

Prince Albert