AbitibiBowater (T.ABH) tentera de réduire le montant des investissements qu'elle est tenue de faire au Saguenay-Lac-Saint-Jean en vertu de la loi, a déclaré jeudi le grand patron de la papetière, à l'occasion d'une assemblée annuelle des actionnaires tenue derrière des portes closes.

Pour exploiter certaines de ses centrales hydroélectriques dans la région, AbitibiBowater a conclu avec Québec des baux portant sur les forces hydrauliques de la rivière Shipshaw.

Or, ces baux expirent le 31 décembre et pour les renouveler, l'entreprise montréalaise doit s'engager à investir d'importantes sommes dans ses installations du Saguenay-Lac-Saint-Jean, stipule une loi adoptée en 1999.

Selon le député péquiste de Jonquière, Sylvain Gaudreault, l'entreprise devra injecter quelque 400 millions $ d'ici 2022. Le président et chef de la direction d'AbitibiBowater, Richard Garneau, estime plutôt qu'il s'agit de 600 ou 700 millions $. De difficiles négociations s'annoncent donc avec Québec.

«Ce sont ces investissements dans les usines régionales qui garantiront à long terme la rentabilité de leur exploitation, a déclaré M. Gaudreault. Les ressources naturelles font partie du domaine public et il est normal que leur utilisation ait des retombées réelles dans l'économie régionale.»

En réponse à une question du député, qui a pris part à l'assemblée à titre de représentant d'un actionnaire, M. Garneau a par ailleurs exclu la vente des actifs hydroélectriques d'AbitibiBowater au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce qui a rassuré les travailleurs quant à la pérennité des usines de la région. L'entreprise vient de se départir de ses centrales en Ontario.

Appel au gouvernement

Dans son allocution devant les actionnaires, finalement mise en ligne sur le site Web de l'entreprise, le pdg s'est plaint des coûts des copeaux de bois et de la main-d'oeuvre, qui sont respectivement 91 pour cent et sept pour cent plus élevés au Québec qu'aux États-Unis.

«Malgré tout, nous restons déterminés à investir dans nos usines canadiennes pour les améliorer, mais seulement là où nous pourrons compter sur l'appui des gouvernements provinciaux et régionaux et des employés. Et, bien important, où une analyse de rentabilité le justifie», a dit M. Garneau.

L'exclusion des journalistes de l'assemblée de jeudi constitue un fait rarissime dans le milieu des affaires au Canada.

Un vétéran du journalisme économique montréalais qui a tenté d'assister à l'événement a soutenu n'avoir jamais rien vu de tel en 50 ans de carrière.

Un porte-parole de l'Autorité des marchés financiers du Québec, Sylvain Théberge, a indiqué que rien dans les lois n'oblige les entreprises cotées en Bourse d'admettre les médias dans leurs assemblées annuelles, tout en reconnaissant qu'il s'agit de la pratique habituelle.

AbitibiBowater s'est justifié en affirmant que d'un point de vue strictement juridique, l'assemblée des actionnaires est une «réunion privée», réservée aux détenteurs d'actions.

Un porte-parole, Pierre Choquette, a assuré que les reporters auraient d'autres occasions de poser des questions à la haute direction de la forestière.

Les assemblées annuelles d'entreprises sont l'occasion de faire le point sur les activités de la dernière année et de donner des détails sur les perspectives pour l'année en cours.

Jeudi, Richard Garneau a confirmé qu'AbitibiBowater allait changer de nom. L'entreprise compte également déménager son siège social montréalais, actuellement situé dans l'édifice Sun Life, dans des locaux moins coûteux.

«Le moment est venu de nous repositionner et de redéfinir l'image que nous voulons projeter auprès de nos clients, de nos actionnaires et des collectivités au sein desquelles nous vivons et travaillons», a expliqué le dirigeant.

Au premier trimestre, qui a pris fin le 31 mars, AbitibiBowater a enregistré un bénéfice net de 30 millions $ US sur des revenus de 1,19 milliard $ US alors qu'un an auparavant, elle avait essuyé une perte nette de 500 millions $ US sur un chiffre d'affaires de 1,1 milliard $ US.

L'entreprise a terminé en décembre une restructuration judiciaire de 20 mois au cours de laquelle elle a éliminé des milliers d'emplois, réduit les conditions de travail de ses syndiqués et radié des milliards de dollars de dette.

Le mois dernier, M. Garneau a affirmé qu'il envisageait de nouvelles suppressions d'effectifs dans les usines canadiennes de l'entreprise, ce qui a suscité l'ire des syndiqués.

AbitibiBowater est l'un des plus importants producteurs de papier journal au monde. L'entreprise, qui emploie environ 10 500 personnes, fabrique également du papier de bureau et des produits du bois.

L'action d'AbitibiBowater a clôturé à 22,67 $ jeudi, en baisse de 0,7 pour cent, à la Bourse de Toronto.