La dernière fois qu'une ligne de transport d'électricité a été construite au Québec, c'est en 1998, après le grand verglas. La ligne Hertel-Des Cantons a pu être construite par Hydro-Québec grâce à un décret gouvernemental qui lui a permis d'éviter le processus normal d'évaluation environnementale, et la levée de boucliers des citoyens. Le projet Northern Pass, qui veut transporter l'électricité du Québec au sud de l'État du New Hampshire, se heurte à une opposition grandissante des deux côtés de la frontière. Pas dans ma cour, disent les Québécois. Non à l'envahisseur étranger, renchérissent les résidants du New Hampshire.

East-Hereford, Québec- S'il y a quelqu'un qui peut réclamer que la nouvelle ligne de transport d'électricité d'Hydro-Québec ne passe pas dans sa cour, c'est bien Hélène Parizeau.

«On a déjà donné», dit l'agricultrice de East-Hereford en montrant le bout du champ, devant sa maison. C'est là qu'est enfoui le gazoduc de TransQuebec&Maritime, une filiale de Gaz Métro qui transporte le gaz naturel canadien vers la Nouvelle-Angleterre.

La conduite a été inaugurée en 1998. Deux ans plus tard est arrivé ce qui n'arrive jamais, à en croire le représentant de l'industrie. Le compresseur situé près de la ferme laitière d'Hélène Parizeau et de Marc Beloin a explosé.

«Il était 5 heures et demi et j'étais en train de préparer le souper», raconte-t-elle. Les vitres de sa maison ont volé en éclats et même le revêtement a été endommagé. La famille a eu la frousse de sa vie.

C'est à côté de cette conduite de gaz qu'Hydro-Québec songe à faire passer la future ligne à haute tension qui lui permettra de doubler ses exportations vers la Nouvelle-Angleterre. Il s'agit d'un des trois tracés identifiés par Hydro pour traverser la frontière vers le New Hampshire.

Quand elle a appris la nouvelle, le 14 février dernier, Hélène Parizeau a aussitôt commencé son combat. «Pourquoi faudrait-il que notre terre devienne l'autoroute pour faire passer tout ce que les voisins ne veulent pas?» demande-t-elle, du feu dans les yeux.

Déjà, la présence du gazoduc a réduit la valeur de la ferme familiale. Qui voudrait maintenant d'une maison avec un gazoduc et une vue sur des pylônes géants? Mais ce qui inquiète surtout Hélène Parizeau, ce sont les risques pour elle, sa famille et son troupeau de vaches pur race de vivre à proximité de ce qu'elle considère être une bombe à retardement.

Petite et énergique, l'agricultrice est bien résolue à défendre son territoire. Mais elle a trouvé bien peu d'appui de son côté de la frontière. Le 7 mai dernier, une représentation d'East-Hereford a quand même participé à la manifestation «Hands across the border» où des résidents des deux côtés de la frontière ont formé une chaîne pour démontrer leur opposition au projet Northern Pass.

Des paysages de toute beauté

Au Québec, la nouvelle ligne de transport sera construite en grande partie à côté d'une ligne existante qui relie le poste des Cantons, près de la ville de Windsor, au Vermont, ce qui suscite moins d'opposition qui si une nouvelle tranchée devrait être ouverte. La nouvelle portion du lien traverse des paysages de toute beauté, mais très peu peuplés. Les gens attendent toujours de connaître le tracé définitif de la future ligne.

Un des trois tracés examinés par Hydro passe par Saint-Venant-de-Paquette, où vit le chanteur Richard Séguin. Les deux autres traversent East-Hereford, un village de 325 habitants vit de l'agriculture et de la culture de sapins de Noël. Il y a une usine de sciage et une pisciculture. Et la région est bien connue pour ses sentiers de randonnée et de vélo de montagne, qui attirent les citadins.

Richard Belleville est maire de la municipalité depuis 15 ans, et il travaille aussi à l'usine de sciage. Si la future ligne de transport d'électricité passe sur la terre d'Hélène Parizeau et de Marc Beloin, elle sera aussi dans son champs de vision, puisqu'il qui habite tout près.

Le maire collabore avec Hydro-Québec depuis six mois pour délimiter le tracé de la future ligne. «Je travaille pour qu'il y ait le moins d'impact possible», dit-il.

À part quelques emplois pendant la période de construction, le projet Northern Pass n'apportera rien aux résidents d'East-Hereford, reconnaît Richard Belleville. Par contre, le Québec a bien besoin des revenus supplémentaires provenant des exportations d'électricité, estime-t-il. «On pourrait s'en passer mais il ne faut pas être naïf, c'est un projet payant pour le gouvernement».

Payant, vraiment? Hélène Parizeau en doute. «Hydro vend son électricité aux États-Unis à perte. Ce sera peut-être payant dans 40 ans mais pour l'instant, ça ne l'est pas.»