Chez Domtar à Windsor, Tembec à Kapuskasing et Kruger à Trois-Rivières, la vieille industrie des pâtes et papiers essaie de se tailler une place dans le nouveau et fabuleux marché des biotechnologies. Il faudra toutefois du temps, et beaucoup d'argent, pour réaliser ce changement de cap.

Le président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada, Avrim Lazar, le sait mieux que quiconque. Il a lancé hier un appel au ministre des Finances, Jim Flaherty, pour qu'il n'oublie pas l'industrie dans son prochain budget.

Le gouvernement fédéral a déjà consenti 1 milliard de dollars à l'industrie pour l'aider à faire son virage vert. C'est bien, mais ce n'est pas assez en comparaison avec ce qui se fait ailleurs dans le monde, a soutenu M. Lazar, à l'occasion de la rencontre annuelle de l'industrie qui a pris fin hier à Montréal. L'industrie a besoin d'un autre milliard pour l'aider à financer la recherche et à dénicher de nouveaux marchés, a-t-il dit.

Il faudra aussi des partenariats avec des entreprises de plusieurs autres secteurs, comme l'énergie et la chimie, pour réussir la transformation.

Selon une étude de l'Association, le marché des biotechnologies est actuellement de 200 milliards. Il croît à un rythme annuel de 5 à 25%, selon les produits, comparativement à une croissance nulle ou très faible dans le secteur des pâtes et papiers.

À moyen et long terme, ces nouveaux produits compteront pour 20 à 25% des revenus des entreprises de pâtes et papiers, estime Avrim Lazar.

Selon lui, il ne s'agit pas d'abandonner la production de papier et de bois d'oeuvre, mais d'en tirer encore plus de revenus avec des nouveaux produits à haute valeur ajoutée.

«Nous le faisons déjà», a-t-il soutenu.

L'industrie a déjà fait un bout de chemin pour trouver de nouveaux produits et de nouveaux débouchés, mais sa reconversion en est encore à ses balbutiements.

Par exemple, l'usine de nanocellulose de Domtar en Estrie est toujours en construction et ne produira rien avant l'année prochaine.

Une fois en marche, l'usine devrait produire 1 tonne par jour de nanocellulose, ce qui est très peu par rapport aux 2000 tonnes de papier par jour qui sortent de l'usine adjacente, à Windsor.

Il faudra ensuite des années, de l'aveu même de Domtar, avant que la nanocellulose soit intégrée aux procédés de fabrication sur une base commerciale.

La nanocellulose cristalline est un extrait des fibres du bois qui peut servir à fabriquer toutes sortes de produits, des ailes d'avions et voitures, en passant par des médicaments ou des hanches artificielles.

L'industrie des pâtes et papiers croit beaucoup au potentiel de la nanucellulose, mais, aussi intéressant soit-il, il ne pourra pas assurer sa survie, pas plus que les autres nouveaux produits dérivés du bois.

«C'est une partie de la survie de l'industrie», reconnaît Avrim Lazar.

Même si sa taille a diminué au cours des dernières années, l'industrie forestière reste la deuxième en importance au Canada, derrière l'industrie pétrolière.