La fièvre du gaz de schiste a gagné la France, où trois vastes zones dans le sud sont désormais l'objet de prospection, et plusieurs autres pourraient suivre. Manne énergétique ou calamité écologique? Les oppositions se radicalisent, malgré les assurances du gouvernement.

Rien ne le distingue du gaz naturel classique, si ce n'est qu'il ne se situe pas dans une poche mais se trouve pris au piège dans des roches très peu perméables. Pour l'exploiter, il faut donc employer les grands moyens: pratiquer une série de forages de deux à trois kilomètres et fracturer la roche en injectant d'énormes quantités d'eau, de sable et de produits chimiques.

Selon l'Institut français du pétrole, les réserves mondiales représenteraient plus de quatre fois les ressources de gaz conventionnel.

Les États-Unis sont, de loin, les premiers à utiliser cette ressource. Grâce à une exploitation croissante depuis trois ans, elle représente désormais de 15 à 20% de leur production totale de gaz.

Le sous-sol de la France, comme du Canada, de la Pologne, du Royaume-Uni, ou encore de l'Allemagne, en est aussi doté.

Aussi, en mars 2010, le gouvernement a octroyé des permis de prospection dans trois zones qui couvrent une partie des départements de l'Hérault, de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Ardèche et de la Drôme.

Par ailleurs, «huit à neuf demandes sont en cours de traitement», majoritairement dans le sud-est du pays, indique à l'AFP le responsable exploration pétrolière France au ministère de l'Écologie, Claude Lamiraux.

Risques de contamination des nappes phréatiques, besoins d'eaux énormes, pollution visuelle, et manque de transparence dans la procédure... passés relativement inaperçus à l'époque, ces permis entraînent une crispation croissante sur le terrain.

«L'inquiétude monte» du côté des riverains et «nous demandons l'annulation du décret de mars 2010», a réaffirmé jeudi à l'AFP le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne (PS).

Porte-drapeau de la contestation, le député européen José Bové, qui s'est déclaré favorable à un «gel» de l'exploration, a lui annoncé «un regroupement général» des opposants au gaz de schiste «dans quelques semaines à Valence».

Reconnaissant mercredi des «inquiétudes et des interrogations légitimes et grandissantes», la ministre de l'Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a assuré qu'il n'était «pas question» de suivre l'exemple américain où «des techniques dangereuses pour l'environnement» sont utilisées.

Un film sur les ravages de l'exploitation de ce gaz aux États-Unis, «Gasland», est d'ailleurs sélectionné aux Oscar dans la catégorie documentaire.

Pour M. Lamiraux, «aux États-Unis, ils ont joué les apprentis sorciers, ils ont fait n'importe quoi». «Ce n'est pas transposable en France du fait de notre réglementation qui est très sévère!», assure-t-il.

Mais les assurances du gouvernement ne semblent pas convaincre. «Il est surprenant d'entendre la ministre dire qu'en France, on ne fera pas pareil, qu'on n'utilisera pas de techniques sales, c'est un voeu pieux, car les brevets et la technologie sont américains», assure José Bové.

Passée la phase de l'étude des échantillons, les premiers forages de prospection pourraient intervenir rapidement. Dans deux des trois zones, cette option est «en négociation en ce moment» avec les municipalités concernées, indique M. Lamiraux.

En revanche, chez Total, qui a obtenu un permis de prospection pour 5 ans, avec trois forages autorisés dans la région de Montélimar, on indique qu'on ne creusera pas avant «fin 2011-début 2012». «Ce sera un forage vertical classique», assure un porte-parole. Mais par la suite, un procédé de fracturation hydraulique «est envisagé», ajoute-t-il.