En réduisant ses exportations de terres rares, la Chine veut maximiser ses bénéfices, renforcer ses propres entreprises dans les hautes technologies et obliger les autres pays à participer à l'exploitation de ces minéraux, estiment les experts.

La Chine a produit 97% des terres rares vendues l'an dernier, ces 17 minéraux stratégiques utilisés dans des industries de pointe, notamment dans l'électronique et l'automobile. Elle n'abrite pourtant qu'un tiers des réserves mondiales.

Les États-Unis et l'Australie disposent de vastes réserves (15 et 5% respectivement), mais ont cessé de les exploiter en raison des prix très concurrentiels que pratiquait la Chine et des inquiétudes liées à l'environnement.

«La Chine dit qu'elle ne souhaite pas fournir le monde en terres rares indéfiniment. Elle signale donc qu'elle va diminuer son offre et espère que d'autres mines prendront le relais», déclare à l'AFP Geoff Bedford, vice-président de Neo-Technologies, société de terres rares qui opère en Chine.

Les principaux consommateurs de terres rares, notamment le Japon, ont tiré la sonnette d'alarme au cours des dernières semaines et accusé Pékin d'avoir arrêté les exportations de ces éléments indispensables à l'industrie, ce que la Chine a toujours nié.

Les livraisons ont cependant bel et bien été perturbées et un haut responsable nippon a prévenu que les réserves japonaises pourraient être taries d'ici mars prochain.

Le Japon et le Vietnam sont sur le point de signer un accord sur le développement en commun de réserves de terres rares. L'Allemagne a adopté une série de mesures pour diversifier son approvisionnement, avec le Japon, auprès de pays tels que la Mongolie, la Namibie et les États-Unis. Washington et Berlin veulent aborder le sujet lors du G20 de novembre à Séoul.

Les hauts responsables chinois pensent souvent que la Chine a longtemps «vendu aux acheteurs étrangers les terres rares, aussi précieuses que l'or, au prix des radis», note Damien Ma, analyste chez Eurasia Group.

Depuis 2006, Pékin a réduit ses quotas d'exportation de 5% à 10% par an. La production a également été limitée par crainte que ses réserves s'épuisent d'ici 15 ans.

En diminuant son offre pour les entreprises étrangères tout en l'augmentant pour ses propres entreprises de haute technologie, Pékin encourage ses industries à forte valeur ajoutée, souligne Nigel Tunna, directeur de la société d'analyses Metal-Page.

«Ils ont pris conscience qu'ils en avaient eux-mêmes besoin et qu'ils gagnaient moins en exportant ces matières premières qu'en les utilisant pour la fabrication» d'objets complexes, ajoute-t-il.

Au cours des prochaines années, quelque 40 000 tonnes de terres rares non chinoises devraient s'ajouter aux 125 000 tonnes produites annuellement au total, selon Geoff Bedford.

La production de la mine de Mountain Pass en Californie, stoppée en 2002 après un accident industriel, va ainsi reprendre.

Le Japon, qui utilise un cinquième de l'offre mondiale, a prévu un budget de 1,25 milliard US, équivalent à la valeur totale de la production de terres rares sur un an, pour se fournir ailleurs qu'en Chine en 2011, a indiqué récemment Advanced Material Japan Corp.

«Nous n'avons pas un client japonais dont le service de recherches et de développement ne travaille à étudier comment diminuer ou éliminer les terres rares de leurs produits», a déclaré Geoff Bedford lors d'une conférence qui vient de se tenir à Xiamen, dans le sud-est de la Chine.

Le ministère chinois du Commerce s'est réservé le droit de réduire à nouveau ses exportations de terres rares afin de «protéger ses ressources limitées et un développement durable» dans un secteur à problème avec des exploitations illégales et beaucoup de pollution.