Un bon passeur... mais un mauvais buteur. Si on voulait prendre une analogie sportive, voilà comment on pourrait décrire le Québec dans le secteur en plein boom des technologies propres.

Québec fait du bon boulot pour transférer les inventions qui fourmillent dans ses universités vers les entreprises, révèle le tout premier portrait de l'industrie québécoise des technologies propres dressé cette semaine par la firme de consultants Russell Mitchell Group.

Le problème, c'est que ces entreprises sont incapables de capitaliser sur les belles passes des universités parce qu'elles n'investissent pas assez en commercialisation et tournent le dos aux marchés extérieurs les plus payants.

«Au Québec, on aime vendre au Québec. On ne vend pas ailleurs», observe Céline Bak, cofondatrice du Russell Mitchell Group.

En 2007, les entreprises de technologies propres du Québec un secteur qui englobe autant les biocarburants et les énergies vertes que le recyclage et le traitement des rejets industriels exportaient 26% de leur production, contre 42% pour les entreprises de l'ensemble du Canada. Et l'écart ira en se creusant: les entreprises québécoises comptent faire grimper la proportion à 30% en 2012, contre 52% pour les canadiennes.

«C'est un écart important. Le problème avec ça, c'est qu'au Canada, le marché intérieur n'est pas attrayant», note Mme Bak, qui explique que les Canadiens sont réticents à embrasser les nouvelles technologies en général et celles environnementales en particulier. En bref, pour vendre, nos entreprises auraient tout intérêt à regarder ailleurs.

Mais encore faut-il qu'elles veuillent vendre. Ici, Céline Bak pointe un problème qui n'est pas propre au Québec, mais à l'ensemble du Canada: nos entreprises semblent plus intéressées à développer leur technologie qu'à la vendre.

Même après huit ans d'existence, les meilleures sociétés canadiennes (celles qui se classent dans le premier quartile pour la croissance) continuent d'investir plus en R&D qu'en commercialisation.

«C'est vraiment un bobo canadien. On fait de la technologie extraordinaire, on fait les meilleurs bidules au monde, mais on ne les vendra pas. On a cette idée que si on continue avec notre technologie et qu'on la peaufine, on va se tailler une place dans le marché. Mais ce n'est pas vrai! Ce qu'il faut, c'est se pencher sur les préoccupations de nos clients.»

Le résultat du manque d'efforts en commercialisation, c'est que les entreprises canadiennes et québécoises grandissent lentement.

«Nos entreprises prennent dix ans pour atteindre 10 millions de dollars de revenus. Ce que ça fait, ce sont des aubaines - des aubaines pour que d'autres entreprises étrangères viennent acheter chez nous», dit Mme Bak.

Du positif

Tout n'est cependant pas noir dans le monde des technologies vertes au Québec. Le rapport met en relief par exemple le succès que connaît la province à transférer les inventions qui sortent de ses universités vers les entreprises.

Au Québec, 23% des entreprises du secteur sont nées dans un labo académique, près du double de la moyenne canadienne (12%).

«C'est quelque chose dont vous devriez vous enorgueillir. Ça signifie que vous avez une façon de faire le transfert de vos institutions académiques vers le milieu commercial qui semble fonctionner beaucoup plus que dans le reste du Canada», dit Mme Bak.

Le rapport dresse aussi le portrait d'une industrie formée de petites entreprises, mais qui est dynamique et en pleine croissance. Le Russel Mitchell Group a répertorié 95 entreprises au Québec, soit environ 22% du total canadien.

Entre 2007 et 2009, les entreprises de technologies propres ont réussi à croître de 47%, une performance impressionnante en pleine récession. Et selon les réponses recueillies auprès des dirigeants, ces sociétés comptent grandir de 117% annuellement d'ici deux ans.

Les conclusions de Céline Bak ont été écoutées avec grande attention par Denis Leclerc, président et chef de la direction de la nouvelle grappe industrielle des technologies propres du Québec, Écotech Québec.

«Pour nous, ce sera un document de référence pour développer notre plan d'action et voir où on devrait mettre nos efforts pour que des filières se développent et deviennent de calibre international», a-t-il dit, soulignant que malgré les lacunes identifiées, le rapport «démontre le grand potentiel pour que les technologies propres deviennent un secteur important de l'économie du Québec.»

EN CHIFFRES 

95

Nombre d'entreprises de technologies propres au Québec.

26%

Ventes exportées à l'extérieur du Canada par les entreprises de technologies propres québécoises, contre 42% pour les entreprises canadiennes.

23%

Proportion des entreprises de technologies propres québécoises qui découlent d'une invention universitaire, contre 12% au Canada.

47%

Taux de croissance annuel des entreprises de technologies propres au Canada entre 2007 et 2009.

source: Russell Mitchell group