Le printemps fait croître les feuilles dans les arbres mais aussi l'espoir de retourner au travail pour les quelque 4000 travailleurs des scieries québécoises mis à pied en attendant que le marché du bois d'oeuvre s'améliore.

Lentement, mais de façon constante, le prix des «2 par 4» augmente depuis la fin de 2009. La semaine dernière, il a atteint son plus haut niveau depuis mai 2006.

À 342$ US le millier de pieds-mesure-de-planche, le prix du bois de construction a aussi franchi un seuil à partir duquel les droits compensatoires que les producteurs doivent payer sur leurs exportations seront réduits, comformément à l'entente canado-américaine sur le bois d'oeuvre.

Le 1er mai, cette taxe à l'exportation passera de 5% à 3%, précise Jacques Robitaille, du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Si les prix continuent d'augmenter et dépassent les 355$ US le millier de pieds-mesure-de-planche, la taxe disparaîtra et l'accès au marché américain, selon les quotas fixés par l'entente, sera élargi.

«C'est une embellie certainement bienvenue des producteurs», a commenté le représentant de l'industrie.

Les producteurs continuent toutefois de payer une surtaxe sur leurs exportations, imposée à la suite de leur défaite devant un tribunal international. La bonne nouvelle, selon lui, c'est que plus les prix augmentent, et plus cette surtaxe totalisant 54,5 millions sera payée rapidement.

Selon l'indice mondial des produits forestiers de Bloomberg, l'industrie est en déclin depuis le mois de juillet 2007 et elle a atteint le creux de la vague en septembre dernier. Au Québec, toutefois, la décroissance de l'industrie forestière a commencé bien avant, en raison d'une surcapacité de production et de la rareté de la ressource dans certaines régions.

Depuis 2005, 66 scieries et 3300 emplois ont disparu au Québec. Près de 4000 travailleurs sont toujours en chômage temporaire dans une soixantaine de scieries qui ont cessé leurs activités ou qui fonctionnent au ralenti, selon le relevé au 15 avril 2010 du ministère québécois des Ressources naturelles.

L'industrie du sciage revient de loin. En 2009, sa production totale n'était plus que la moitié de ce qu'elle était lors du sommet du dernier cycle.

C'est pourquoi la prudence reste de mise. «On observe cette tendance (à l'amélioration des prix), mais ça ne change pas le niveau de nos opérations pour le moment», a indiqué le porte-parole d'Abitibi-Bowater, Jean-Philippe Côté.

«Il y a plein de signes qui nous permettent d'espérer, mais ce n'est pas demain que les usines vont repartir», estime lui aussi Yves Lachapelle, directeur de la foresterie au Conseil de l'industrie forestière du Québec.

Il est en effet trop tôt pour parler d'une reprise du marché du bois d'oeuvre, estiment les analystes de l'industrie. La remontée des prix est surtout liée à la fermeture de nombreuses scieries, qui a réduit l'offre, plutôt qu'à une augmentation de la demande. En outre, le retour du printemps a toujours un effet positif - et passager - sur les prix, alors que la construction redémarre dans plusieurs marchés régionaux aux États-Unis.

Mais le secteur immobilier américain, de loin le principal déterminant de la croissance pour l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, reste profondément déprimé.

Les mises en chantier sont en hausse de 1,6% depuis le début de l'année, mais leur nombre est encore anémique, autour de 600 000, pour un marché de la taille de celui des États-Unis. Le taux de chômage reste élevé, ce qui continue d'influencer négativement le marché immobilier.

La reprise s'annonce longue et lente dans l'industrie du bois d'oeuvre, mais, en Bourse, elle a déjà commencé à se manifester. Les titres des producteurs de bois, comme Tembec et AECOM, sont en forte hausse depuis le début de l'année. Le titre de Tembec est passé de 62 cents à 89 cents. Celui de AECOM, qui vient de racheter les activités de sciage de Domtar, est passé de 1,17$ à 2,80$ pendant la même période.