En plus de s'affronter devant la Régie de l'énergie au sujet de l'accès au réseau de transport québécois, Terre-Neuve et Hydro-Québec croisent le fer devant son équivalent terre-neuvien, le Public Utilities Commission.

Il s'agit cette fois d'un litige concernant les droits hydrauliques de la rivière Churchill, que Nalcor, la société énergétique de Terre-Neuve, veut régler avant d'entreprendre la construction de deux autres centrales sur la même rivière, le projet connu sous le nom de Bas-Churchill.

Nalcor est l'actionnaire majoritaire de CF(L)Co, l'entreprise qui exploite les centrales existantes sur la rivière Churchill, avec 68,8% des actions. Hydro-Québec, qui achète l'électricité produite par ces installations, possède le reste, soit 34,2%.

Malgré sa participation minoritaire, Hydro-Québec détient un droit de veto qui lui a permis de dire non au projet de règlement soumis par Nalcor sur la gestion des droits hydrauliques. Nalcor s'est donc adressée au Public Utilities Commission qui a le pouvoir d'imposer un accord aux deux parties. Une décision est attendue sous peu.

Un troisième front s'ouvrira bientôt, avec le dépôt par Terre-Neuve d'une requête en Cour supérieure pour modifier en sa faveur le contrat de vente d'électricité de Churchill Falls à Hydro-Québec.

Le président de Nalcor, Ed Martin, soutient que ces démarches ne sont pas liées entre elles parce qu'elles portent sur des sujets différents.

Mais le premier ministre Danny Williams s'est dit content de cette stratégie hier dans les journaux terre-neuviens. «Nous agissons sur tous les fronts et nous obtenons des résultats», a-t-il dit au Telegram de Saint John's.

Toute cette agitation de la part de Terre-Neuve accroît la pression sur le Québec et vise à empêcher le renouvellement automatique du contrat conclu en 1969 avec Hydro-Québec.

En vertu de ce contrat, Hydro-Québec paie actuellement un quart de cent par kilowattheure l'électricité produite à Churchill Falls. Il est prévu que le contrat se renouvelle automatiquement en 2016 à un prix encore inférieur, soit un cinquième de cent le kilowattheure, pour une autre période de 25 ans.

Pour Terre-Neuve, c'est inacceptable. «Ça veut dire que pour les 32 années restantes au contrat, l'électricité de Churchill sera vendue à Hydro-Québec pour moins de 5% de sa valeur sur le marché», a souligné Ed Martin en annonçant sa décision de s'adresser à la Cour supérieure.

Toutes les tentatives précédentes de Terre-Neuve de faire annuler ou modifier ce contrat ont été vaines. Cette fois, la province mise sur la notion de «bonne foi» introduite dans le Code civil du Québec en 1994. «Refuser de renégocier le contrat contrevient à l'obligation imposée par la loi québécoise d'agir de bonne foi dans toutes ses relations légales», a expliqué M. Martin.

Le premier ministre Danny Williams estime que son opposition à l'achat d'Énergie NB par Hydro-Québec a contribué à forcer une renégociation de la transaction et il s'est dit très content de la nouvelle version de l'entente.

Hydro-Québec ne deviendra pas propriétaire du réseau de transport d'électricité du Nouveau-Brunswick. Danny Williams s'en réjouit, même si dans les faits, Hydro-Québec pourra utiliser toute la capacité disponible grâce à une entente à long terme avec le Nouveau-Brunswick. «Notre principale préoccupation était que l'accès au réseau du Nouveau-Brunswick tombe aux mains d'Hydro-Québec», a-t-il expliqué.