Y a-t-il espoir de sortie de crise pour l'industrie du bois d'oeuvre? Peut-être, misent des négociants en contrats à terme, qui tentent d'anticiper les mouvements de prix des matériaux.

Les contrats à terme pour le bois d'oeuvre ont bondi de 28% depuis trois semaines à la Bourse CME de Chicago, principal marché de cotation des matériaux en Amérique du Nord.

Parmi les motifs, on invoque la fermeture récente de grosses scieries dans l'Ouest canadien, qui a réduit davantage l'offre de bois d'oeuvre, ce qui pourrait accélérer un regain des prix dans quelques mois.

Aussi, la réduction du nombre de maisons à vendre aux États-Unis pourrait endiguer la déprime de la construction résidentielle et susciter un regain de la demande de bois d'oeuvre.

Par ailleurs, certains économistes anticipent aussi un rebond prochain des prix du bois d'oeuvre. De l'ordre de 20% d'ici un an, suggère notamment Patricia Mohr, de la Banque Scotia, dans son plus récent bulletin mensuel sur les marchés des matériaux.

Mais parmi les analystes proches de l'industrie, on considère encore spéculatif l'espoir qui excite le marché des contrats à terme du bois d'oeuvre depuis trois semaines. «Ce marché à terme dépend de spéculateurs qui croient que le prix du bois d'oeuvre est descendu tellement bas qu'il ne peut que remonter. C'est ce que l'industrie espère aussi, mais certainement pas aussi vite que laisse croire le marché à terme», résume Michel Vincent, directeur de l'analyse économique et des marchés au Conseil de l'industrie forestière du Québec.

Sa principale raison? La demande et le prix réel du bois d'oeuvre ont peu de chances de rebondir tant que durera la dépression de la construction résidentielle aux États-Unis.

«Cette industrie tourne encore sous les 500 000 logements par année. C'est à peine le tiers du volume jugé nécessaire pour vraiment relancer le marché du bois d'oeuvre», selon M. Vincent.

N'empêche, les prix courants du bois d'oeuvre selon les catégories, cotés en dollars américains, se sont un peu redressés depuis quelques semaines.

Il s'agit d'un regain de 8% en moyenne, mais à partir d'un creux historique atteint en début d'année.

Toutefois, au détriment des quelques scieries au Canada et au Québec qui ont résisté à la crise jusqu'à maintenant, la dépréciation du dollar américain depuis un mois a anéanti leur espoir d'une hausse de revenus à court terme.

Et même pire. Car après conversion en dollars canadiens, le prix moyen obtenu par lot de 1000 pieds-mesure-planche (pmp) de bois d'oeuvre a reculé davantage à un nouveau bas historique.

«Malgré la hausse des contrats à terme, largement spéculative, les prix réels obtenus par les producteurs canadiens demeurent à leur plus bas niveau» observe Richard Kelertas, analyste chez Dundee Securities, à Toronto.

Observation semblable de la part de Benoît Laprade, analyste de l'industrie des produits forestiers chez Capitaux Scotia, à Montréal. «Le marché du bois d'oeuvre demeure aux antipodes de ce qu'il faut pour vraiment redresser les prix et les volumes. Et avec la remontée du dollar canadien, c'est encore pire pour les producteurs d'ici, pour qui ça vaut encore moins la peine de continuer à produire.»

Au Conseil de l'industrie forestière, l'analyste Michel Vincent confirme qu'en dépit d'un léger regain des prix sur le marché américain, le revenu réel obtenu par les scieries québécoises - autour de 240$CAN par 1000 pmp selon l'indice Pribec - demeure inférieur aux coûts moyens de production des meilleures usines encore en exploitation.

Par conséquent, à moins de rebond des prix plus vigoureux, et d'un repli du dollar canadien, d'autres fermetures de scieries sont appréhendées au Québec à court terme.

«Des entreprises qui avaient un bilan assez bon pour résister à la crise et aux pertes jusqu'à maintenant sont rendues à bout de souffle. Elles pourraient fermer leurs usines pour éviter la faillite, en attendant la reprise du marché», selon Michel Vincent.

Pour le moment, au Québec seulement, l'industrie du bois d'oeuvre ne fonctionne plus qu'à 35% de sa capacité installée avant la crise, qui a culminé à huit milliards de pmp par année.

Quant aux prix réels obtenus par les entreprises de sciage, ils demeurent inférieurs d'un tiers au moins à ceux des années de prospérité, jusqu'en 2007.