Damnée récession! Déjà forcée de fermer des usines face à la mauvaise conjoncture, la société papetière Cascades (T.CAS) est aussi contrainte de patienter davantage avec le plus gros projet industriel de son histoire, a appris La Presse Affaires.

Il s'agit d'un projet d'usine évalué à 350 millions de dollars pour la production d'un demi-million de tonnes par année de papier-couverture, qui sert à la confection de cartons multicouches pour les boîtes industrielles.

 

Conçue pour fonctionner surtout avec des fibres recyclées, une telle usine serait aussi l'une des plus grosses et la plus efficace de toute industrie cartonnière en Amérique du Nord. Bref, un fleuron industriel en vue pour Cascades et sa filiale Norampac, qui prévoit construire cette usine à Niagara Falls (New York), où elle a déjà une usine.

En fait, Cascades convoite ce projet depuis la fermeture d'une usine de papier-couverture dans le nord de l'Ontario, en 2005, pour raison de surcoûts d'énergie et d'approvisionnement en fibres de première coupe.

Mais cette ambition industrielle de Cascades est bousculée par la récession, qui déprime son important marché du carton d'emballage.

La demande a chuté de près de 10% dans les marchés cibles en Ontario et dans les États américains voisins, a indiqué Marc-André Dépin, PDG de Norampac-Cascades.

Et de l'avis des analystes, le prix du carton d'emballage pourrait reculer encore d'au moins 10% d'ici un an, aux environs de 485$US la tonne.

«Ce projet d'usine de papier-couverture serait le plus gros investissement de croissance interne réalisé par Cascades. Mais la conjoncture nous force à le mettre en suspens. Notre priorité, ces temps-ci, c'est de maximiser l'efficacité de nos activités courantes afin de demeurer compétitifs», a indiqué Marc-André Dépin.

D'ailleurs, cette quête d'efficacité a décidé récemment Norampac-Cascades à fermer une usine de carton à Québec.

Sa production sera dirigée vers d'autres usines dans les régions de Montréal et du centre de la province.

Au moins 145 travailleurs à Québec perdront leur emploi, gonflant à 1000 le nombre de mises à pied et de licenciements effectués par la société papetière depuis un an.

Malgré ces coupes, Cascades peinera à retrouver la rentabilité au cours des prochains mois, estiment les analystes.

La société papetière a terminé l'exercice 2008 avec une perte nette de 55 millions, comparativement à un profit net de 95 millions un an plus tôt.

Côté bilan, Cascades doit aussi préparer le refinancement d'ici deux ans de centaines de millions de dollars en divers titres de dette.

Rien d'alarmant pour le moment, selon l'analyste Pierre Lacroix, de Valeurs mobilières Desjardins, dans une récente note à ses clients investisseurs.

L'analyste s'attend néanmoins à ce que Cascades dégage des liquidités importantes d'ici deux ans grâce à des rationalisations d'actifs, ainsi qu'une réduction de près de moitié de son budget d'immobilisation.

Mais selon Marc-André Dépin, PDG de Norampac, le projet d'usine de papier-couverture de 350 millions demeure «actif», malgré le retard imposé par la récession.

«Quand les bonnes conditions seront réunies, une telle usine (de 500 000 tonnes par année) pourrait se réaliser en 20 à 24 mois», a-t-il indiqué. «Nous continuons sa planification technique malgré la récession. Mais nous n'en sommes pas au financement, ni même au choix de l'emplacement.»

À ce propos, la préférence de Cascades demeure un ajout à l'usine de Norampac à Niagara Falls, du côté de l'État de New York.

Cette usine fabrique du papier cannelure (ondulé) pour la confection de cartons multicouches. Elle a une capacité de 240 000 tonnes par année de papier fait surtout à partir de fibres recyclées, une spécialité de Cascades.

Aussi, l'usine de Niagara Falls est proche d'importants marchés du carton (Ontario et États frontaliers) et de régions urbanisées (Toronto, Buffalo) qui sont des sources de fibres recyclées.