Déjà en crise, la société papetière AbitibiBowater (T.ABH) risque d'aggraver sa situation très bientôt si elle ne peut renouveler un prêt spécial de 347 millions US, qui arrive à échéance à la fin de mars.

«Les conséquences d'une telle situation ne sont pas plaisantes à imaginer», a confirmé David Paterson, président et chef de la direction d'AbitibiBowater, en marge d'un discours devant le Cercle canadien, hier à Montréal.

 

«Si nous ne parvenons pas à repayer ce billet financier à la fin de mars, notre situation sera entre les mains des détenteurs de nos titres de dette. Nous en verrons alors les conséquences.»

David Paterson s'est gardé toutefois d'évoquer le pire scénario envisagé par des analystes: l'échec du refinancement pourrait forcer AbitibiBowater à s'inscrire en protection de faillite.

Même que la société papetière aurait déjà embauché des conseillers juridiques pour préparer une telle déclaration d'insolvabilité, mentionne Richard Kelertas, analyste chez Dundee Securities, dans son plus récent commentaire à ses clients-investisseurs.

Pour sa part, l'analyste Benoît Laprade, de Capitaux Scotia à Montréal, estime qu'il «demeure incertain que les liquidités d'AbitibiBowater seront suffisantes face à ses prochaines obligations financières».

Par ailleurs, il y a quelques jours, la société papetière a averti la Securities and Exchange Commission (SEC, la commission des valeurs mobilières aux États-Unis) qu'elle devait retarder la publication de ses résultats financiers pour son exercice 2008.

Parmi les raisons évoquées, la société papetière mentionne la comptabilisation d'au moins 296 millions US en frais spéciaux de restructuration pour son quatrième trimestre.

En point de presse, hier, le président d'AbitibiBowater, David Paterson, a admis que «c'est un défi de se refinancer dans un marché du crédit encore très difficile (...) La fin de mars approche vite et nous travaillons rapidement avec nos financiers pour trouver la bonne solution».

Entre-temps, AbitibiBowater poursuit ses efforts de revente d'actifs pour rehausser ses liquidités.

D'autant plus que, parmi sa dette de 6,2 milliards US, l'équivalent d'au moins 900 millions US sera à renégocier d'ici septembre, selon une récente déclaration à la SEC américaine.

Dans cette veine, AbitibiBowater vient de vendre pour 70 millions CAN des lots forestiers totalisant 189 000 acres qui sont situés en Mauricie et dans le Bas-Saint-Laurent.

Par ailleurs, M. Paterson a rappelé que la société papetière veut conclure «d'ici la fin du mois» la vente de sa participation de 75% d'une société de production d'hydroélectricité en Ontario, d'une capacité totale de 136 mégawatts.

Annoncée en décembre, cette transaction de 540 millions, incluant 250 millions de dettes, devrait rapporter une somme nette de 197,5 millions à la société papetière.

Au Québec, AbitibiBowater pourrait faire de même qu'en Ontario en revendant certains actifs de production hydroélectriques.

Mais hier, son président est demeuré évasif à ce sujet, refusant entre autres d'y attacher un prix estimatif. «Nous examinons toutes les possibilités. Dans le cas de nos actifs hydroélectriques au Québec (barrages, centrales), nous savons qu'ils sont de haute qualité et qu'ils produisent de l'électricité à faibles coûts.»

Du côté des acquéreurs pressentis, dont Hydro-Québec, on préfère aussi la discrétion. «Nos gens se parlent. AbitibiBowater est un client important et nous maintenons des contacts», a indiqué Marie Archambault, principale porte-parole d'Hydro-Québec.

Par ailleurs, le producteur d'aluminium Alcoa Canada, qui est partenaire d'une centrale d'AbitibiBowater sur la Côte-Nord, a déjà signifié son intérêt par la voie de son président, Jean-Pierre Gilardeau.

Pendant ce temps, en Bourse, les actions d'AbitibiBowater vivotent autour des 50 cents l'unité, à moins d'un dixième de leur valeur d'il y a un an.

Parmi les analystes, les recommandations de vente dominent à quatre contre une par rapport aux avis d'achat, selon le relevé de l'agence Bloomberg.