Une étude du CAA-Québec est venue donner des munitions hier aux automobilistes de Montréal qui estiment qu'ils se font avoir à la pompe. Et pas à peu près.

La marge de détail a augmenté de 43% entre 2007 et 2008 à Montréal, soutient l'organisme voué aux intérêts des automobilistes.

La marge de détail est la part qui revient aux détaillants. Elle inclut ses coûts d'exploitation et son profit. Cette marge, qui était de 3,3 cents le litre en 2007, a grimpé à 5,8 cents en 2008, a constaté le CAA-Québec en compilant les données de son suivi quotidien des prix à la pompe dans les différents marchés du Québec.

 

Aucune augmentation de cette ampleur n'a été constatée par le CAA ailleurs qu'à Montréal. «La situation qui a prévalu l'an dernier à Montréal défie la logique des lois du marché, souligne l'organisme. En principe, là où on observe les plus hauts volumes de vente, cette marge devrait être moindre.»

Ces chiffres ont aussitôt été contestés par les détaillants, qui ont répliqué avec les données de la Régie de l'énergie et de la firme spécialisée MJ Ervin, qui indiquent que l'augmentation de la marge de détail à Montréal est plutôt de 9%.

«Les chiffres du CAA-Québec sont faux et aberrants», a commenté Louis Forget, porte-parole d'Ultramar, qui raffine et vend des produits pétroliers au Québec et dans les Maritimes. Selon M. Forget, qui se base sur le bilan annuel de la Régie, la marge de détail à Montréal était de 4,5 cents en 2007 et de 4,9 cents en 2008, soit une augmentation de 8,8%.

Du côté des détaillants indépendants, la réaction a été la même. «Les chiffres de la Régie de l'énergie et de MJ Ervin ne disent pas la même chose que ceux du CAA», a souligné Sonia Marcotte, porte-parole de l'Association québécoise des indépendants du pétrole.

Selon elle, il faut parler d'une hausse de 0,4 cent le litre en un an, ce qui est loin d'être exagéré. «Nous, on estime qu'un détaillant efficace a besoin d'une marge de 4,9 cents le litre uniquement pour couvrir ses coûts», a-t-elle soutenu.

Le CAA-Québec maintient ses conclusions. Si ses chiffres sont différents de ceux publiés par la Régie dans ses bilans annuels sur le prix de l'essence, c'est parce que la Régie utilise des données hebdomadaires et le CAA compile ses données quotidiennement, a expliqué son porte-parole, Philippe St-Pierre. «Nos chiffres sont plus fiables et donnent un meilleur portrait de la réalité», a-t-il affirmé.

Mais même si on ne s'entend pas sur le pourcentage, la part du prix à la pompe qui va dans les poches des détaillants est nettement en augmentation ces dernières années.

Selon Sonia Marcotte, cette augmentation est normale parce que les coûts des détaillants, comme les salaires, l'électricité et les taxes, sont à la hausse. «On ne peut pas demander aux détaillants de perdre de l'argent ad vitam aeternam.»

Marges records

Les détaillants n'ont sûrement pas perdu de l'argent depuis le début de 2009, car même les chiffres de la Régie de l'énergie font état d'une marge de détail de 9,3 cents en janvier à Montréal, soit presque le double de la marge moyenne de 2008.

Ces marges varient beaucoup et doivent être observées sur une période plus longue qu'un mois.

Reste qu'à presque 10 cents, les marges de détail à Montréal sont à un niveau record alors que le prix du brut continue de dégringoler, ce qui freine la baisse à la pompe.

Hier, le prix du brut léger américain a fini la journée à 33,98$US le baril, en baisse de 1,96$US. Depuis le début de la semaine, le prix du brut a fondu de 20% et il se rapproche du creux de 32,70$US atteint en janvier.

Si le prix à la pompe ne baisse pas aussi vite au Québec, c'est aussi parce que le brut importé ici n'est pas le brut léger américain, mais le Brent, dont le prix est plus élevé.

Le prix du Brent est à la hausse et à 44,65$US le baril, son cours de fermeture hier, il coûte près de 11$US de plus que le West Texas Intermediate, le brut de référence américain.

La faiblesse du dollar canadien fait aussi en sorte que les prix à la pompe ne suivent pas la baisse du prix du baril. Depuis le début de l'année, le huard a perdu près de 2% vis-à-vis de la devise américaine.