La vigueur dont a fait preuve le marché du travail canadien tout au long de 2017 s'est heurtée à un mur en janvier, ce qui l'a forcé à afficher son plus important recul mensuel en neuf ans.

L'économie a perdu 88 000 emplois - tous à temps partiel - en janvier. Il s'agissait du plus grand nombre d'emplois disparus en un mois depuis 2009, a révélé vendredi Statistique Canada.

Ce recul a fait grimper le taux de chômage national à 5,9%, par rapport à un taux révisé de 5,8% pour le mois de décembre.

Les pertes ont été alimentées par la disparition de 137 000 emplois à temps partiel, dont plus de 59 000 en Ontario. Il s'agissait de la plus forte baisse du nombre d'emplois à temps partiel depuis que l'agence fédérale a commencé à recueillir ces données, en 1976.

Pour l'Ontario, certains experts ont soulevé la possibilité qu'il existe un lien entre la disparition des emplois et l'entrée en vigueur d'une hausse du salaire minimum controversée.

La création de 49 000 emplois à temps plein a partiellement contrebalancé ce recul, a précisé Statistique Canada. L'enquête de l'agence a en outre décelé une solide croissance de 3,3% des salaires en janvier, ce qui a aussi incité certains observateurs à faire de possibles liens avec la situation en Ontario.

Cependant, plusieurs experts ont aussi noté qu'il valait mieux de pas tirer de conclusions à partir de ces chiffres seuls, en raison de volatilité des données sur l'emploi d'un mois à l'autre.

«L'économie canadienne a connu un très grand déclin en janvier (...), mais il faut mettre cela en perspective - nous avons eu une excellente croissance de l'emploi dans la dernière année», a souligné Craig Alexander, économiste en chef pour le Conference Board du Canada, lors d'un entretien.

«Bien franchement, nous étions largement dus pour de mauvais chiffres.»

Malgré la bonne performance économique du Canada l'an dernier, M. Alexander a noté que l'étonnante cadence de la création d'emplois avait été supérieure à celle des autres données. Les pertes rapportées vendredi ramènent la moyenne mensuelle de création d'emplois à un niveau plus comparable à celui des autres données économiques, a-t-il souligné.

«Je ne crois pas que les chiffres de janvier signalent le début d'une série de déclins - je crois que c'est davantage le reflet du fait que nous avions des chiffres anormalement vigoureux ces derniers temps», a-t-il fait valoir.

Impact sur une hausse des taux d'intérêt?

M. Alexander a par ailleurs estimé que ces «mauvais chiffres» pourraient retarder la prochaine hausse de taux d'intérêt de la Banque du Canada. Le gouverneur de la banque centrale, Stephen Poloz, a déjà indiqué que les prochaines hausses seraient fortement liées aux données économiques.

Mais d'autres experts ne croient pas que le rapport du mois de janvier aura beaucoup d'influence sur la prochaine décision de la Banque du Canada.

L'économiste en chef de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, a dit croire que M. Poloz avait probablement la même opinion en ce moment qu'avant la publication du rapport de Statistique Canada.

«C'est un mélange de différentes choses pour la Banque du Canada, parce que nous observons une hausse significative dans l'inflation des salaires (...) ce qui pourrait contrebalancer la déception sur le nombre d'emplois», a indiqué M. Shenfeld.

Même avec le déclin, le Canada a affiché une création nette de 414 100 emplois à temps plein sur une période de 12 mois. Il s'agit d'une croissance de 2,8%.

Au cours de la même période, le nombre d'emplois à temps partiel a diminué de 125 400, soit une contraction de 3,5%.

Un examen plus attentif des données de janvier montre que le nombre d'employés rémunérés a aussi reculé de façon notable le mois dernier, avec la disparition de 112 000 tels postes.

En comparaison, le nombre de personnes qui se présentaient comme travailleurs autonomes - une catégorie souvent considérée comme moins désirable qui comprend notamment les travailleurs non rémunérés des entreprises familiales - a augmenté de 23 900 en janvier.

L'amélioration dans les salaires est survenue alors que l'Ontario a fait passer son salaire minimum de 11,60 $ l'heure à 14 $ l'heure le 1er janvier, une augmentation controversée d'un peu plus de 20%. Le rapport de Statistique Canada a aussi signalé la disparition nette de 50 900 emplois à temps partiel dans la province.

La plupart des analystes ont invité à la prudence dans l'établissement potentiel de liens entre la hausse du salaire minimum et la disparition des emplois. Les données seront étudiées de près dans les prochains mois, afin d'obtenir une meilleure compréhension d'un éventuel lien entre les deux phénomènes.

«La concentration des pertes d'emplois en Ontario et l'accent mis sur les pertes d'emplois à temps partiel dans cette province alimenteront sans doute le débat sur le lien entre la forte hausse du salaire minimum et (la performance du) marché du travail», a affirmé l'économiste Derek Holt dans une note à ses clients.

«Mais prouver que l'un est la cause de l'autre pourrait rester litigieux.»

Au Québec, après trois mois de hausses, le nombre d'emplois a diminué de 17 000, en raison d'une baisse du travail à temps partiel, a indiqué Statistique Canada. Le taux de chômage a augmenté de 0,4 point de pourcentage pour atteindre 5,4%, ce que l'agence fédérale a attribué à une hausse du nombre de personnes à la recherche de travail.